Il est des jours et des nuits qui comptent plus que mille autres. Il est des secondes qui vivent et s'étirent plus que des heures entières. Presque dix ans, déjà... L'aube rougeoyait à peine derrière les vitres embuées d'une petite chambre d'étudiant. La nuit entière, l'esprit étrangement vide, j'avais attendu. J'attendais encore, immobile, allongé sur mon lit dans une attitude figée. Que s'était-il donc passé? Je n'avais rien voulu, rien cherché...
Les images de la veille ne cessaient de reprendre forme en moi. Méthodiquement, avec la plus grande précision possible, je tentais de récapituler les derniers instants qui avaient précédé l'incroyable. Comme tous les soirs vers vingt-deux heures, je m'étais mis au lit une faible lumière éclairait encore la petite pièce où j'avais élu domicile pour une année. Des pensées désordonnées et sans grande importance occupaient mon-attention tandis qu'une légère torpeur commençait à m'envahir. C'est alors que, soudain, tout a basculé. Je me suis senti projeté hors de moi-même, plaqué contre le plafond de ma chambre!
Un froid intense m'avait aussitôt saisi, un froid qui venait du dedans. Simultanément, j'eus la sensation de me redresser, de me retourner, je ne sais plus au juste, et je me suis vu... Je me suis vu, réellement vu, du dehors, en chair et en os comme on voit quiconque n'est pas soi-même, un ami, un étranger. Mes yeux étaient là, au plafond, vers le haut de la Petite armoire où je rangeais mes livres ; ils étaient là et contemplaient mon corps qui gisait deux mètres Plus bas, inerte, comme une enveloppe vide. Mes yeux et ma conscience! Car, pas de doute, c'était bien Moi aussi qui pensais et me contemplais. J'étais «deux», simplement et extraordinairement «deux».
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