Épisodes

  • Japon: une agression sexuelle étouffée par un présentateur influent provoque un scandale national
    Jan 31 2025

    La télévision japonaise est, en ce moment, secouée par une affaire d'agression sexuelle concernant un animateur de la grande chaîne hertzienne Fuji TV.

    Fuji TV, grande chaîne privée ayant longtemps été la plus profitable des réseaux hertziens au Japon, est désormais au cœur d'un scandale d'envergure nationale depuis qu'une affaire d'agression sexuelle vise son présentateur vedette. Masahiro Nakai, âgé de 52 ans, est en effet accusé d'avoir imposé une relation sexuelle non consentie à une femme en 2023.

    L'affaire a été sortie fin décembre par un influent tabloïd qui a précisé que cet animateur, une ancienne star d'un boys band très populaire dans les années 1990, avait acheté le silence de sa victime. Il s'agit donc d'une agression sexuelle suivie d'une volonté d'étouffer l'affaire. Est-ce que cela s'est fait avec la complicité ou la cécité volontaire de la direction ? C'est toute la question. Fuji TV reconnaît avoir eu connaissance de l'affaire avant qu'elle ne soit rendue publique, mais réfute qu'un de ses employés ait organisé la soirée au cours de laquelle la star a rencontré la jeune femme.

    Une affaire qui a éclaté après de multiples pressions

    L'animateur a été retiré de l'antenne et le patron de Fuji TV ainsi que le président de sa maison mère ont démissionné lundi. Mais il a fallu pour cela qu'un fonds américain, actionnaire de la chaîne, Dalton Investment, s'émeuve de la situation. Puis, que 70 annonceurs dont Toyota ou McDonald's retirent leur publicité. Et enfin, que le cours de Bourse et l'audience reculent fortement.

    Il n'y a pas eu, au Japon, de vague MeToo et on a pu le vérifier dès le début de l'affaire qui a été qualifiée de « problème » ou « d'inconduite sexuelle » par les médias japonais. Shiori Ito, une journaliste qui a accusé un présentateur télé de l'avoir violé en 2019, a sorti un documentaire, nommé aux prochains Oscars, sur son combat. Elle a confirmé à l'AFP la réticence des médias japonais à couvrir des accusations qui mettent en cause des « personnes puissantes ».

    De nombreux précédents à travers le monde

    On se souvient, en 2013, de l'affaire Jimmy Saville, cet ancien animateur de la BBC, au Royaume-Uni, qui avait été reconnu, après sa mort, coupable de centaines d'agressions sexuelles. Au sein de la chaîne publique britannique, cela avait conduit des dirigeants à démissionner. Une affaire qui ressemble beaucoup à celle de Johnny Kitagawa. Ce fondateur d'un boys band japonais, producteur au succès immense, avait été accusé, après son décès en 2019, d'avoir violé plusieurs centaines de jeunes garçons au cours de sa carrière.

    Citons enfin, en France, l'affaire Patrick Poivre d'Arvor, le présentateur du 20 heures de la première chaîne européenne, TF1, jusqu'en 2008. Il a été mis en examen en 2023 et de nombreuses femmes l'ont accusé de viol ou d'agression sexuelle dans le cadre de son travail. Mais aucun dirigeant en place à l'époque n'a été inquiété.

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  • États-Unis: en difficulté face à Trump, CNN et le «Washington Post» entre revirements et frilosité
    Jan 24 2025

    Les médias américains CNN ou le Washington Post, considérés par Donald Trump comme des opposants, connaissent des difficultés et semblent hésiter sur la stratégie adopter ces quatre prochaines années, entre revirements et dos rond.

    Les médias américains dits « mainstream » (« de masse ») savent qu'ils appartiennent à la catégorie des « ennemis du peuple » tant décriée par Donald Trump, et qu'ils sont donc une cible possible du courroux de ses partisans. Jeudi 23 janvier, CNN a annoncé le licenciement de 6% de ses effectifs, dont une centaine de journalistes, pour réinvestir le terrain du numérique payant. Mark Thompson, le patron de CNN, en a profité pour faire part de ses nouvelles exigences : ne plus montrer de signes d'indignation lors de l'investiture, éviter l'éditorialisation et de ne plus revenir sur le passé pénal du président réélu, après sa condamnation pour avoir acheté le silence d'une actrice pornographique, entre autres.

    Un revirement pour une chaîne qui avait, en 2022, été attaquée par Trump. Le président américain lui réclamait alors 475 millions de dollars pour diffamation, car la chaîne qualifiait de « mensonge » l'idée que la victoire lui avait été volée en 2020. Le juge a rejeté cette plainte. Mais cela n'a pas empêché Trump de parler de CNN comme de la chaîne des « fake news » ou de la menacer de lui retirer, à elle comme ABC et CBS, sa licence de diffusion. ABC qui a d'ailleurs accepté de payer 15 millions de dollars pour que Trump renonce à un procès après des propos erronés d'un présentateur.

    Un revirement motivé par les succès d'audience de la chaîne rivale Fox News

    La décision de Mark Thompson de CNN a aussi été motivée par le plébiscite de sa rivale Fox News, qui accumule près des trois quarts de l'audience des chaînes d'info aux États-Unis. CNN doit contrer la chaîne ultra-conservatrice, qui a le vent en poupe grâce ses interviews de Trump ou ses infos sur son administration. Mais aussi MSNBC, qui revendique la place de l'opinion anti-Trump, au grand dam de son actionnaire, qui cherche à la vendre. Entre les deux, CNN a perdu 35% de son audience en prime time depuis l'élection, même si cette chute est aussi due à une fatigue post-électorale.

    Un positionnement frileux au Washington Post

    Le prestigieux quotidien américain, historiquement engagé en faveur des démocrates, joue la prudence, pour ne pas dire de la frilosité. Son propriétaire, Jeff Bezos, a refusé que le quotidien s'engage en faveur de Kamala Harris. Un dessin le représentant en train de tendre un sac d'argent à une statue de Trump a été censuré du journal, et son autrice a démissionné. Le milliardaire était présent le jour de l'investiture et il a fait un don d'un million de dollars pour cette cérémonie. Jeff Bezos n'entend donc pas perdre un contrat à dix milliards de dollars sur le cloud de la Défense, comme en 2019. Les scoops et les éditoriaux sur Trump du Washington Post et du New York Times ont dopé les ventes pendant le premier mandat de Trump. Comme si la presse avait compris que la révolution populiste menée Donald Trump n'était pas une parenthèse, mais une tendance de fond.

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  • Les agences de presse s'accordent avec les acteurs de l'IA
    Jan 17 2025

    Deux grandes agences internationales de presse, l’Agence France Presse et Associated Press, ont signé des accords avec des acteurs de l'intelligence artificielle. Leurs chats conversationnels pourront désormais utiliser les dépêches de l'AFP et d'AP dans leurs réponses. Pourtant, la question du droit moral des auteurs des dépêches utilisées par ces IA génératives n'est pas posée.

    Le premier accord est celui de l’AFP avec Mistral, la championne française de l’intelligence artificielle, qui va pouvoir disposer des 38 millions de dépêches de l’agence depuis 1983. Sur le papier, c’est un accord qui ne présente que des avantages. Mistral AI, fondée il y a deux ans, bénéficie de l’expertise d’une des trois grandes agences de presse mondiale, en six langues. Sa solution, le Chat, va pouvoir conforter ses réponses avec un contenu vérifié, sourcé, ce qui constitue un avantage compétitif alors que d’autres grands médias européens, comme Axel Springer, El Pais ou Le Monde ont déjà signé des accords avec ChatGPT. Mistral assurera une source de revenus dynamique pour l’AFP qui se met ainsi à l’heure de l’IA.

    Mistral, une start-up qui ressemble beaucoup à ses cousines américaines

    Mistral a renoncé à une logique d’open source pour passer un accord privé l’an dernier avec Microsoft, qui est entré dans son capital et qui est aussi actionnaire à 49% d’Open AI. Surtout, Mistral a beaucoup pesé sur le gouvernement français lors des négociations sur l’IA Act l’an dernier pour que l’innovation européenne ne soit pas freinée par le droit d’auteurs. Or les journalistes, les éditeurs, ont-ils donné leur accord pour que les dépêches soient utilisées afin de nourrir les réponses d’une solution technologique ? N’y a-t-il pas un risque de voir l’outil se substituer aux médias eux-mêmes sur ces plateformes ?

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    L'Associated Press a passé un accord avec Gemini, de Google

    Cet accord montre bien que la crédibilisation des IA génératives par des contenus d’actualité fiables est cruciale pour ces plateformes. Apple vient d’ailleurs de désinstaller son outil d’IA de résumés d’actualité après des erreurs réalisées à partir de contenus de la BBC qui s’en est plaint.

    AP, l’Associated Press, avait déjà un accord avec Open AI, sur ChatGPT, depuis 2023. Aux États-Unis, le New York Times, avec d’autres éditeurs, ont intenté un procès à cet acteur de l’IA pour violation du droit d’auteur. Il chiffre le préjudice à plusieurs milliards de dollars. C’est aussi la logique des organisations professionnelles de la presse en France qui veulent obtenir un accord collectif.

    Le risque peut être, selon certains, l’existence même de la presse et, pour une agence comme l’AFP, de dépendre de ces nouveaux revenus qui, comme le montre la décision de Meta de renoncer aufact-checking, peuvent s’arrêter du jour au lendemain.

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  • États-Unis: la fin du fact-checking sur Meta, un défi pour les médias
    Jan 10 2025

    Le patron de Meta, Mark Zuckerberg, a annoncé mardi 7 janvier mettre fin à son programme de fact-checking au sein de Facebook, Instagram et WhatsApp aux États-Unis. Une décision qui risque d'avoir des conséquences pour les médias.

    Suite à cette décision, les médias risquent de se retrouver encore plus dilués dans un océan de contenus d’opinion autour de rumeurs ou de « vérités alternatives », comme le dit Donald Trump, qui nuisent à la conversation autour des faits. En outre, les journalistes sont présentés comme des ennemis de la liberté d’expression alors qu’ils étaient jusque-là au cœur des 80 partenaires de Meta, regroupant des médias comme USA Today, des agences de presse telles l’AFP et Reuters ou des ONG comme Africa Check. Pour l’AFP, qui a un partenariat mondial en 26 langues avec Meta, une centaine de journalistes sont ainsi consacrés à la vérification du factuel.

    Le fact-checking, c’est ce qui permet à un contenu signalé comme suspect, car pouvant contenir de la désinformation, d’être vérifié par des journalistes qui établissent la véracité des faits. Pendant le Covid, beaucoup de contenus ont ainsi circulé sur les réseaux sociaux pour fustiger les vaccins ou conseiller des traitements fantaisistes ou dangereux. Ils étaient alors signalés, vérifiés et cela réduisait leur visibilité de 95 %, selon Meta.

    Le fact-checking est aussi très utile pour valider les déclarations politiques qui peuvent s’avérer fausses ou trafiquées, surtout à l’heure de l’IA. La propagation de ce type d’infox peut dresser des communautés les unes contre les autres, comme on a pu le voir en Birmanie avec les Rohingyas. Mais Mark Zuckerberg ne l’entend pas comme ça, puisqu’il reprend en tout point l’argumentation d’Elon Musk selon laquelle seule compte la liberté d’expression. Il veut remplacer cet outil de modération par les notes ou avis des internautes, comme sur X ou sur Wikipedia — que Trump appelle d’ailleurs Wokipedia, preuve que le participatif n’empêche pas l’accusation de wokisme.

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    Une conception qui se heurte aux règlements européens sur le numérique

    Meta dit que son programme ne s’appliquera pas, au moins dans un premier temps, à l’Union européenne. Mais Mark Zuckerberg lui-même parle de « lois institutionnalisant la censure » en Europe. S’il y a des sujets américains qui sont visés pour complaire à Donald Trump, comme la proximité des modérateurs avec le camp démocrate, Mark Zuckerberg parle d’une déconnexion des vérificateurs sur des sujets comme l’immigration et le genre. Or, ça, ça concerne aussi l’Europe. On voit d’ailleurs aux États-Unis les grandes plateformes se mettre en ordre de marche pour contester la législation européenne dans le cadre d’un rapport de force commercial. La Commission saura-t-elle faire face et conclure ses enquêtes contre les géants du web ? La discrétion de sa présidente, Ursula Von der Leyen, permet d’en douter.

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  • Quand Elon Musk sème le trouble avec une tribune pro-AfD dans le quotidien allemand «Die Welt»
    Jan 3 2025

    À quelques semaines des élections du 23 février prochain en Allemagne, Elon Musk publie une tribune dans Die Welt, le quotidien édité à Berlin par le groupe Axel Springer. Le milliardaire y exprime son soutien au parti d'extrême droite AfD.

    Dans l'édition dominicale de Die Welt, Elon Musk se déclare favorable à l'AfD, l'Alternative pour l'Allemagne, qui est, selon lui « la dernière lueur d'espoir pour ce pays ». Il y loue la « politique d'immigration contrôlée » de ce parti d'extrême-droite, ainsi que ses objectifs de « réduire les impôts » ou de « déréglementer le marché ».

    Aussitôt, une rédactrice en chef des contributions éditoriales du journal, Eva Marie Kogel, a démissionné. Et ce n'est pas la mise au point, publiée avec la tribune, qui l'a arrêté. Dans cet article, le nouveau rédacteur en chef de Die Welt, Jan Philipp Burgard, apporte la contradiction à l'homme le plus riche du monde, propriétaire de Tesla, de StarLink et de X. « ​​​​​​​Même un génie peut se tromper »,écrit-il, rappelant qu'un dirigeant de l'AfD a utilisé un slogan nazi et que ce parti « est un danger pour nos valeurs et notre économie ».

    Publicité électorale

    Mais cette mise au point n'a pas empêché la polémique, car cette tribune est partie d'un tweet d'Elon Musk, disant que seul l'AfD peut sauver l'Allemagne. Elle permet de donner la caution, pour ne pas dire l'onction du grand quotidien libéral-conservateur, à des propos qui auraient paru inacceptables, donc impubliables, si son auteur n'avait pas été Elon Musk.

    Pour le propriétaire du réseau social X, par exemple, l'AfD ne peut pas être classée à l'extrême droite, car sa cheffe de file, Alice Weidel, est en couple avec une femme originaire du Sri Lanka. L'association des journalistes allemands a dénoncé une « publicité électorale » et rappelé que les médias ne devaient pas servir de « ​​​​​​​porte-voix à des autocrates ».

    Des principes éditoriaux bafoués

    Cette tribune pourrait être en contradiction avec les valeurs d'Axel Springer. Le groupe de médias allemand avait fait mettre, en 1967, dans chaque contrat, cinq principes éditoriaux qui incluaient de favoriser « ​​​​​​​l'unification de l'Europe » et de « rejeter toutes les formes d'extrémisme politique », deux principes antinomiques avec l'AfD que le patron Matthias Döpfner avait lui-même rappelé en 2002. Depuis, ce « Bolloré allemand » affiche sa proximité avec Elon Musk, auquel il a remis un prix de l'innovation en 2020.

    Musk, quant à lui, a pris position en faveur du leader anti-migrants Nigel Farage, au Royaume-Uni, où il estime qu'une guerre civile est inévitable après les émeutes de cet été. Il appelle à la libération d'un activiste anglais d'extrême-droite actuellement en prison, Tommy Robinson. Elon Musk a d'ailleurs rouvert son compte sur X. Si on ajoute le système autoplay sur son réseau social qui pousse par défaut des vidéos racistes et antisémites, il est temps de se demander ce qu'il y a d'extrême droite chez le futur ministre de l'Efficacité gouvernementale de Donald Trump.

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  • Trois images fortes de 2024: des tirs sur Trump, une prison syrienne, la guerre au Soudan
    Dec 28 2024

    Arrêt sur trois images qui ont marqué l'année 2024, aux États-Unis, en Syrie et au Soudan.

    Le premier arrêt sur image nous conduit aux États-Unis et à la photo publiée par le New York Times, quelques heures après l'attentat contre Donald Trump, le 14 juillet. On y voit l'ancien et futur président lors d'un meeting en Pennsylvanie, devant un pupitre rouge frappé du slogan « Make America Great Again » (« Rendre sa grandeur à l'Amérique »). Donald Trump a une casquette rouge. Il tourne la tête et, juste à côté de lui, une trainée blanche sur un fond azur, un peu comme un avion très loin dans le ciel. C'est le sillage de la balle qui vient de lui érafler l'oreille.

    Cette photo est signée d'un photographe du New York Times, Doug Mills, qui avait, selon un spécialiste balistique du FBI, une chance sur un million de capturer cet instant précis. Après, Trump apparaît le poing levé, puis avec un pansement à l'oreille. Et d'autres images marquantes suivront, comme celle d'Elon Musk sautillant comme un enfant dans un de ses meetings. Mais cette photo miraculeuse a su saisir l'événement.

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    Deuxième arrêt sur images, direction la Syrie

    Cette fois, c'est lors d'un reportage de CNN, qui nous montre Clarissa Ward, une reporter blonde dans une prison syrienne de Damas. Elle se met en scène en expliquant être partie à la recherche du journaliste américain Austin Tice, retenu en Syrie depuis 2012. Le régime étant tombé, elle le cherche dans les cellules lorsqu'elle tombe sur un détenu sous une couverture à même le sol. L'homme la remercie avec émotion en lui prenant la main. Il a curieusement l'air bien nourri, porte un manteau en peau retourné très propre pour quelqu'un qui dit avoir passé trois mois en prison.

    Un site de fact checking syrien, Verify-Sy, nous apprendra que c'est en réalité un lieutenant des services de renseignement du régime, demeuré introuvable depuis. CNN a rétabli la vérité en faisant mine d'avoir levé seule la supercherie. En Syrie, les images sont parfois menteuses.

    Des photos du journal Le Monde au Soudan

    Focus sur une série de reportages en huit épisodes, signés Eliott Brachet, et intitulée Au Soudan, une guerre totale, avec des photos d'Abdulmoman Eassa. Sur l'une d'elle, on voit au loin un groupe de cinq personnes, hommes et femmes, sur des chaises en plastique blanc, les pieds dans le Nil. On est sur l’île Tuti, près de Khartoum, juste avant la guerre fratricide entre deux généraux qui auraient fait plus de 150 000 victimes civiles depuis avril 2023.

    Cette guerre, peu de médias en parlent. Selon l'INA, sur un an, fin juin 2024, on trouve 8 700 mentions d'Israël et Gaza dans les journaux télévisés français, 4 500 mentions de l'Ukraine et seulement 128 mentions du Soudan. Une autre image ouvre le reportage du Monde : celle d'un fossoyeur près de Khartoum devant l'extension sans fin de son cimetière.

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  • Le journal «Le Monde» fête ses 80 ans
    Dec 20 2024

    Le quotidien Le Monde occupe une place singulière dans la presse française. Et ce 18 décembre 2024, il fêtait ses 80 ans.

    Le Monde est aujourd’hui un journal consulté essentiellement sur le numérique et diffusé à 500 000 personnes. Mais en 1944, c’est une feuille recto verso mise en page dans les locaux de l’ancien journal Le Temps, rue des Italiens, à Paris. On y compte 40 journalistes contre 540 aujourd’hui.

    Son fondateur, Hubert Beuve-Méry, est un résistant qui est aussi un ancien directeur d’études de l’École des cadres d’Uriage, sous Vichy. C’est lui que le général de Gaulle va choisir pour créer un quotidien de référence en se disant qu’il aura ainsi un allié. Or Hubert Beuve-Méry va gagner son indépendance en s’opposant à De Gaulle lorsqu’il est au pouvoir, même s’il a pu se montrer plus compréhensif sur sa politique étrangère. Et au fond, c’est un principe qui n’a pas varié : plus Le Monde s’est trouvé proche des pouvoirs en place, notamment après l’élection de Mitterrand, moins bon il a été.

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    Le Monde, un journal toujours indépendant

    Le quotidien a bien failli ne plus être indépendant en 2011 lorsqu’il est racheté par un trio d’hommes d’affaires, dont Xavier Niel, que l’on sait proche de Macron. Mais Le Monde a toujours gardé un droit de blocage de sa société des rédacteurs qui lui a permis de se protéger de tout interventionnisme. La collectivité des journalistes doit même apporter son agrément à tout changement d’actionnaire et de directeur.

    Il faut dire aussi que Xavier Niel, qui n’a pas été malmené par Le Monde, lui a apporté les moyens de son indépendance. Avec, depuis avril, une nouveauté : c’est le Fonds pour l’indépendance de la presse qui contrôle Le Monde. Ce fonds prévoit d’ailleurs une enveloppe de 200 000 euros pour soutenir des projets de journalisme.

    Le Monde doit aussi défendre ses choix éditoriaux

    Jeudi 19 décembre, un article signé Eugénie Bastié dénonçait un « malaise grandissant sur le traitement d’Israël dans le journal ». En cause : le fait que le chef adjoint du service international, Benjamin Barthe, ancien prix Albert Londres, est l’époux d’une Palestinienne rencontrée à Ramallah lorsqu’il était correspondant du journal. Cela suffit au Figaro pour reprendre une campagne à laquelle nous a habitués plutôt CNews avec le soupçon d’antisémitisme, voire de complotisme, dont rendrait compte un mur au Monde avec un autocollant « Stop Génocide ». En réalité, Le Monde a eu un traitement équilibré du conflit, rendant compte de l’horreur du 7-Octobre et documentant le massacre en cours depuis à Gaza. Eugénie Bastié, ancienne de CNews, était elle-même apparue dans un article du Monde en soutien de son directeur Alexis Brézet après une crise au Figaro liée à son refus de choisir le front anti-RN.

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  • Les Français touchés par la «fatigue informationnelle», selon une étude
    Dec 13 2024

    « Fatigue informationnelle », c'est l'expression mise en lumière par une étude publiée mercredi 11 décembre par la Fondation Jean-Jaurès, Arte et l'Observatoire société et consommation.

    La séquence politique actuelle peut illustrer cette fatigue ressentie par les Français : l'Élysée annonce qu'il va nommer un Premier ministre dans un délai de 48 heures, le délai est finalement dépassé, et pendant ce temps, des rédactions sont sur le pont ou en émissions spéciales pour broder sur des hypothèses... Cette façon de faire, les Français n'en veulent plus.

    L'étude publiée mercredi montre qu'un tiers des personnes interrogées seulement se déclarent intéressées par la séquence politique qui a suivi la dissolution. Et on descend en dessous de ce tiers quand il s'agit de dire que les informations ont aidé à « mieux comprendre les enjeux » ou « à voir les choses de différents points de vue ». C'est plutôt le sentiment d'un trop-plein, d'une répétition ou d'un flux incessant.

    Un mois avant les élections européennes, on trouvait moins de quatre personnes sur dix pour dire que les infos les aidaient à prendre une décision. En outre, l'actualité est de plus en plus perçue émotionnellement. Que ce soit pour l'assassinat du professeur Bernard, la guerre en Ukraine, le conflit à Gaza et les émeutes après la mort de Nahel, il y a souvent près de la moitié des Français qui se déclarent angoissés, stressés ou énervés. D'où une fatigue qui est ressentie par 54 % des personnes interrogées.

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    L'étude parle aussi d'« un exode informationnel »

    L'étude parle de « désengagement » et de « reflux », c'est-à-dire qu'on a recours à moins de canaux pour s'informer — pas plus de trois en général — et l'intérêt pour les médias a baissé en deux ans. C'est particulièrement vrai pour les chaînes d'infos, les émissions d'« actu-divertissement » et même pour les radios. Et ce sont les réseaux sociaux qui en profitent. Les TikTok, Insta, X, Facebook ou YouTube servent de plus en plus à s'informer, en bien ou en mal, puisque plus d'un Français sur deux estime qu'il peine à distinguer le vrai du faux.

    Retrouvez notre podcast :La fabrique des fake news

    Le désengagement se ressent aussi par une moindre implication dans l'actualité : on partage moins d'infos, on en discute moins avec ses proches et on éprouve moins le besoin de croiser ses sources. En outre, l'information doit se trouver une place dans la bataille des plateformes en ligne pour capter l'attention, et la tentation des médias est alors d'attirer l'œil — ou l'oreille — plutôt que d'informer. Si on est adepte du scrolling, le fait de passer d'une vidéo à l'autre, très fort chez les jeunes, on peut avoir le sentiment d'être le jouet des algorithmes, de se faire voler sa vie. La parade est alors de désactiver ses notifications et de se tenir à distance des réseaux sociaux, mais aussi de l'actualité. Finalement, ce qui ressort de cette étude, c'est que les personnes interrogées aspirent à un peu moins de boulimie et à un peu plus de mesure.

    À écouter dans 8 milliards de voisinsFatigue informationnelle : sommes-nous trop informés ?

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