C’est un projet qui fait couler beaucoup d’encre : en Indonésie, l’Etat a annoncé sa volonté de convertir plusieurs millions d’hectares de forêts en réserve alimentaire et énergétique. Objectif : produire du riz, de l’huile de palme et du bioéthanol. « Une catastrophe » environnementale en perspective, alertent les ONG. Mais qu’est-ce que ce projet précisément ? Le gouvernement indonésien souhaite utiliser près de 20 millions d’hectares de zones forestières, soit l’équivalent de la superficie du Sénégal. Le but des autorités est de les transformer en réserves de nourriture, d’énergie et d’eau. Une annonce du gouvernement, dans la lignée du président Prabowo Subianto, qui est au pouvoir depuis octobre dernier. Pendant sa campagne électorale l’an passé, il avait notamment promis de « renforcer l'autosuffisance alimentaire et énergétique de l’Indonésie ». Mais comment y parvenir ? Prabowo Subianto souhaite notamment augmenter l'utilisation de biocarburants par l’Indonésie, pour réduire ainsi les importations de carburant dans le pays. Sauf que derrière ces annonces, il y a des « risques environnementaux colossaux » alertent plusieurs ONG en Indonésie. Parmi ces derniers : l’expansion des plantations de palmiers à huile. L’Indonésie est d’ailleurs le premier producteur mondial d’huile de palme, juste devant la Malaisie.Le spectre de la déforestationDerrière ces risques d’expansion de l’huile de palme, se cache aussi la menace d’une augmentation de la déforestation, souligne les défenseurs de l’environnement. Mais de son côté, le chef de l’État Indonésien, tient un discours très différent. Selon ses déclarations, planter des palmiers à huile à la place d’autres arbres, « ce n’est pas déforester ».Fin décembre 2024, dans un discours, le président avait insisté sur sa volonté de planter davantage de champs de palmiers à huile : « Nos plantations de palmiers à huile, où qu'elles se trouvent, sont des biens de l'État, et je pense qu'à l'avenir, nous devrons également en planter davantage. C'est quoi la déforestation ? Le palmier à huile ? Mais c'est un arbre, non ? Le palmier à huile est un arbre tropical qui absorbe du dioxyde de carbone… »À lire aussiIndonésie: les conséquences du défrichage massif des forêtsMais une plantation de palmiers à huile réduit de 90 % au minimum le taux de biodiversité par rapport à une forêt tropicale primaire, souligne l’ONG WWF. Par ailleurs, les plantations de palmiers à huile accumulent aussi moins de carbone. Face au discours du président indonésien, les défenseurs de l’environnement ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. Selon une étude de l’ONG Auriga Nusantara publiée la semaine dernière encore, plus de 2 600 kilomètres carrés de forêts primaires et secondaires ont été déboisés en 2024 au profit notamment de l’huile de palme, mais aussi du commerce du bois, et de l'extraction minière. Une étude qui souligne aussi l’augmentation de la déforestation légale.Conséquences sur la biodiversité et les populations localesLes ONG environnementales demandent donc au président indonésien Prabowo Subianto de protéger la biodiversité, tout comme les populations autochtones dépendantes de ces zones forestières. Pour Timer Manurung, le président de l’ONG Auriga Nusantara, ce projet de convertir des millions d’hectares va aussi accentuer les conflits agraires : « Chaque conséquence de la déforestation va toucher de plein fouet les populations autochtones et les populations locales, encerclées par la forêt ou présentes au sein même de la forêt. L’autre chose à absolument souligner, c’est que dans nos études précédentes, on a vu que la plupart des cas de déforestations proviennent des concessions et projets gouvernementaux. Ce qui veut aussi dire que ce sont de possibles cas d’accaparement des terres, parce que les zones concernées peuvent être potentiellement gérées par des autochtones. »L’ONG Auriga Nusantara, et d’autres associations indonésiennes appellent Prabowo Subianto à mettre en place un décret présidentiel pour protéger toutes les forêts naturelles restantes. Une demande restée sans réponse pour l’instant.