En Amazonie bolivienne, la réserve naturelle du Pilon Lajas est menacée. Les mineurs travaillent dans les rivières pour y trouver de l'or et les contrebandiers y pratiquent le trafic de bois et d'animaux sauvages. Cette zone est également un territoire autochtone où vivent différentes communautés des peuples Tacana, Tsimane et Mosetene. Pour se protéger de l'avancée des mineurs, les communautés autochtones organisent chaque mois une patrouille le long des frontières du Pilon Lajas.
De notre envoyé spécial dans la région,
Il est un peu plus de midi quand la patrouille quitte le port de Rurrenabaque, en Amazonie bolivienne. Au programme, un jour et demi à sillonner la rivière Beni, l'une des frontières naturelles du Pilon Lajas, à la recherche de potentiels chercheurs d'or illégaux. Madelín Guzmán fait partie de l'organisation autochtone du territoire. Elle nous explique la procédure quand ils rencontrent des mineurs : « Si c'est la première fois, on le rappelle à l'ordre et on le fait sortir de la zone. La deuxième fois, on le sanctionne en saisissant tout son matériel. Et au bout de la troisième fois, on porte plainte et on avertit les autorités. »
Après quatre heures à remonter le Beni sans embûches, nous arrivons à l'un des campements des gardes forestiers du Pilon Lajas. Une petite réunion de coordination est organisée. La patrouille reprendra le lendemain matin avec au moins un garde forestier présent : « Ils protègent la zone et nous aussi, donc nous avons tout intérêt à collaborer. Et comme ils connaissent bien le secteur, ils peuvent aussi nous guider si besoin. »
Pendant la soirée, Lander Veyuma, l'un des gardes forestiers, détaille le peu de moyens dont ils disposent pour empêcher l'arrivée de mineurs ou de contrebandiers. Un manque de ressources qui va parfois jusqu'à l'absence de carburant pour patrouiller aux frontières de la réserve : « Avant, nous étions 20 gardes forestiers. Maintenant, nous ne sommes plus que 11. Avec ces neuf effectifs en moins, c'est très dur de protéger les 400 000 hectares de la réserve naturelle du Pilon Lajas. »
Le lendemain, nous atteignons la limite du Pilon Lajas. Aucune activité minière n'est détectée pendant le trajet. Pourtant, pour Hermindo Vies, vice-président du Conseil régional Tsimane Mosetene, la situation est préoccupante : « Nous nous trouvons devant le ruisseau Naranjani, qui est la limite du territoire. À peine un mètre de l'autre côté, nous avons constaté la présence de mineurs qui cherchent de l'or. »
Bien que ces activités minières ne soient pas dans le territoire du Pilon Lajas, le mercure utilisé est rejeté dans le Beni, empoisonnant à petit feu l'eau, les poissons et les populations locales. Pour Madelín Guzmán, l'un des principaux responsables de cette situation n'est autre que l'État : « Ce que souhaite l'État, c'est développer l'industrie minière, quitte à mettre en péril nos territoires. C'est ce qu'il a toujours souhaité. Et si nous ne nous mobilisons pas, c'est sûr qu'il ne va pas nous écouter. Donc on lutte, on représente la voix de nos communautés et on ne baisse pas les bras. »
Une détermination plus que nécessaire pour faire face aux incessantes tentatives d'intrusion des chercheurs d'or dans le Pilon Lajas, et surtout supporter le silence de l'État bolivien.