Épisodes

  • Lassane Zohoré: «Je suis toujours Charlie, la résilience dont a fait preuve Charlie nous inspire tous»
    Jan 7 2025

    Que reste-t-il de la vague d'émotion qui a gagné une grande partie du monde, il y a dix ans, après l'attentat contre le journal satirique français Charlie Hebdo ? En Côte d'Ivoire, Lassane Zohoré est caricaturiste et directeur de publication de l'hebdomadaire satirique «Gbich !», qui fait rire les Ivoiriens depuis plus de 25 ans. « Il y a un avant et un après-Charlie, dit-il, car aujourd'hui, nous, les dessinateurs, on est ramollis ». En ligne d'Abidjan, il répond en toute sincérité aux questions de Christophe Boisbouvier.

    Lassane Zohoré sera aussi l'invité de RFI entre 16h10 et 17h (Heure de Paris), en duplex d'Abidjan, dans l'émission Sur le pont des arts, aux côtés de Damien Glez et de Julien Serignac, ancien DG de Charlie Hebdo et auteur de « L'art menacé du dessin de presse ».

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  • Fabrice Arfi: Paris a donné à Kadhafi «une notabilité qu’aucun autre pays occidental n’a pu lui offrir»
    Jan 6 2025
    Nicolas Sarkozy de nouveau devant les tribunaux. Mais il s'agit cette fois d'une affaire hors norme, qui a tout du scandale d'État entre l'ancien président français et Mouammar Kadhafi. La justice française accuse Nicolas Sarkozy d'avoir touché de l'argent du « guide » libyen pour financer la campagne électorale qui le portera à l'Élysée en 2007. Nicolas Sarkozy est poursuivi pour corruption, association de malfaiteurs, recel de détournement de fonds publics et financement illicite. Il risque dix ans de prison. L'histoire éclate en 2012, suite aux révélations du site d'information français Mediapart, qui conduira l'année suivante à l'ouverture d'une enquête judiciaire. Fabrice Arfi est le responsable du pôle Enquêtes de Mediapart, c'est aussi lui qui est à l'origine des révélations. Il répond aux questions de Sidy Yansané. RFI : Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, se rencontrent pour la première fois en 2005. Et lorsqu'il est élu président deux ans plus tard, il parvient à faire libérer les infirmières bulgares injustement détenues en Libye depuis des années. C'est là que débute officiellement la lune de miel entre les deux chefs d'État. Quelles étaient les raisons de ce rapprochement ? Fabrice Arfi : Les raisons officieuses, celles qui vont peupler les audiences du procès historique, du procès de l'affaire Sarkozy-Kadhafi, concernent une histoire de compromission à divers niveaux, qu'il soit diplomatique, financier, économique, dans des perspectives de financement occulte de la Libye en direction de la France et en contrepartie, d'après l'accusation judiciaire, de tout un tas de faveurs que la France a octroyé à la Libye de Mouammar Kadhafi, à partir du moment où Nicolas Sarkozy a été élu président de la République.Parmi ces faveurs, par exemple, lesquelles sont les plus notables ?La contrepartie la plus significative car c’est la plus vertigineuse de mon point de vue, c’est l'un des dignitaires libyens qui s'appelle Abdallah Senoussi, beau-frère de de Mouammar Kadhafi et ex-chef des services secrets militaires, et qui est connu de sinistre mémoire en France, puisqu'il a été condamné en 1999 à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir fait sauter l'avion de ligne DC10 de la compagnie française UTA. C'était en 1989 au-dessus du désert du Ténéré au Niger, et ça a fait 170 morts. Parmi les contreparties, la justice accuse l'équipe Sarkozy d'avoir, contre de l'argent versé, promis de faire sauter le mandat d'arrêt d'Abdallah Senoussi, visé par un mandat d'arrêt international depuis sa condamnation en France. Donc on va avoir, pour la première fois dans l'histoire politique et pénale française, une affaire de terrorisme, et non des moindres, qui va se retrouver au cœur d'un procès de corruption.Et c'est d'ailleurs cette affaire de terrorisme qui va contribuer largement à l'isolement de la Libye au niveau international. Et l'élection de Sarkozy, c'est aussi une grande victoire pour Kadhafi car six mois après cette élection, il est invité à Paris. On se souvient tous de sa tente qu’il a dressée dans la cour de l’hôtel Marigny, situé devant le palais de l'Élysée. Vous considérez que c'est aussi une victoire pour Kadhafi ?D'autres démocraties, bien sûr, ont accueilli Mouammar Kadhafi. Mais seule la France l’a fait avec un tel faste, et c'était pour Mouammar Kadhafi une victoire totale pour laquelle il était prêt à payer très cher. La France, pays de la Révolution française, de la Déclaration des droits de l'homme, lui a offert une notabilité qu'aucune autre démocratie occidentale, libérale, comme on dit, n'était en mesure de lui offrir.Seulement quatre ans plus tard, c'est le Printemps arabe. Une coalition de l'Otan décide de soutenir les rebelles contre Kadhafi. Le président Sarkozy se montre particulièrement volontaire. Rappelons qu’avant l'intervention, le guide libyen « révèle » dans le quotidien français Le Figaro avoir financé la campagne de son homologue français. Les enquêtes, médiatique comme judiciaire, font-elles un lien entre les deux événements ?Je ne suis pas de ceux qui considèrent que la guerre en Libye est une fabrication de Sarkozy visant à se blanchir, mais il y a quand même des questions qui se posent sur la manière dont la guerre a été déclenchée. Je rappelle qu'il y a un rapport du Parlement britannique qui a mis en cause les mensonges qui ont présidé au déclenchement de la guerre en Libye, dans le sillage des Printemps arabes, d'abord en Tunisie puis en Egypte. Des questions qui se posent aussi sur certaines opérations menées en Libye, jusqu’à la mort du dictateur Kadhafi, dont on ignore les circonstances précises encore aujourd’hui. Mais le fait est que le Nicolas Sarkozy de 2007 et le Mouammar Kadhafi de 2011 sont bien les deux mêmes hommes de 2007 et de 2011. S’il y a un secret qui ...
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  • Angel Kaba: «Jamais je n'aurais imaginé créer un spectacle qui touche le cœur des gens comme ça»
    Jan 4 2025

    Danseuse, chorégraphe et directrice artistique, Angel Kaba est la première femme africaine à diriger un spectacle Off-Broadway. « Breakin’ NYC » est une plongée dans l'univers du hip-hop (de ses origines à aujourd'hui) et une célébration des danses afro-urbaines, dont Kaba est considérée comme une ambassadrice incontournable. De son héritage multiculturel à son rêve de créer un centre artistique en Afrique, rencontre avec une artiste qui n’a pas peur de briser les frontières. Elle est l’invitée de Christina Okello.

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  • Sénégal: «Les futurs procès seront les procès de cette culture de violence policière»
    Jan 3 2025
    C'est l'une des grandes annonces de la déclaration de politique générale d'Ousmane Sonko : la semaine dernière, le Premier ministre sénégalais s'est engagé à mettre prochainement sur la table des députés, un projet pour abroger la loi d'amnistie. Le texte, adopté en mars 2024 par l'ancienne majorité, couvre les faits relatifs aux trois années de violences politiques que le pays a connu entre 2021 et 2024, et qui avait fait des dizaines de morts. Le gouvernement a également annoncé que cinq milliards de francs CFA (7,6 millions d'euros) sont destinés à l'indemnisation des victimes. Durant cette période, la société civile sénégalaise s'est organisée pour recenser les morts dans les manifestations. Notamment le média associatif La Maison des Reporters, qui n'a pas attendu le gouvernement pour collecter et publier sur ses réseaux sociaux des dizaines de récits de victimes. Moussa Ngom est le fondateur de la Maison des Reporters. Il est l'invité de Sidy Yansané. RFI : Comment accueillez-vous cette annonce d'un projet d'abrogation de la loi d'amnistie par le Premier ministre Ousmane Sonko ?Moussa Ngom : Il faut comprendre que pour les régimes précédents, il y a toujours eu une préoccupation sociale et politique majeure dans les premiers mois au pouvoir. Donc, c'était un impératif pour ce régime-ci de s'occuper de la reddition des comptes mais aussi de faire la lumière sur ce qu'il s'est passé entre 2021 et 2024. Et je pense que l'intention est déjà claire parce qu'on parle d'une abrogation partielle, c'est-à-dire qu’elle ne reviendra pas sur tout, mais on cible notamment les crimes de sang, les meurtres et les tortures qui ont été infligées durant cette période. Mais il y aura encore un grand chantier pour la suite, avec toutes les procédures judiciaires à enclencher.Justement, votre média La Maison des Reporters a largement documenté et relayé les témoignages des victimes des violences pré-électorales. Malgré cette amnistie qui a permis, il faut le dire, un apaisement certes tardif entre Ousmane Sonko et l'ancien président Macky Sall, il était important de mettre des noms et des visages sur les victimes ?Tout à fait. Et on l'a fait en deux temps. Il y a d'abord eu l'initiative Cartogra Free Sénégal, dont j'ai été l'initiateur, qui a rassemblé d'autres journalistes et des personnes d'autres horizons qui se sont joints à nous pour recenser des gens, fournir un bilan beaucoup plus exhaustif des victimes de cette répression des manifestations pour les personnes décédées. Mais c’est également un travail de documentation qu'on a voulu faire sur les cas de torture. On parle beaucoup de la responsabilité des donneurs d'ordres, mais il ne faut pas oublier que les futurs procès qui auront lieu seront le procès de cette culture de la violence policière qui existe depuis l'époque coloniale au Sénégal et qui a persisté à travers les régimes. Ce sera aussi le moment de faire en sorte que les exécutants, les éléments des forces de l'ordre qui ont agi dans la continuité des abus qu'on a toujours connus, puissent répondre de leurs actes. Donc, c'était important pour nous d'effectuer ce travail.La société civile sénégalaise s'est fortement mobilisée durant ces violences et ces tensions électorales. Et pour cette campagne d'identification des victimes, vous avez fait référence à l'initiative Cartogra Free Sénégal. Détaillez-nous ce qui vous a poussé à lancer cette initiative ?Il y avait déjà une opacité autour du chiffre exact du nombre de morts, on entendait des bilans qui étaient contradictoires ou sous-estimés. Il était nécessaire pour nous, en tant que journalistes, de ne pas nous limiter à uniquement reprendre la parole officielle, mais aussi de faire en sorte que les Sénégalais puissent connaître quelle était leur histoire, qu'ils puissent se dire qu'en réalité, « ça aurait pu être moi, ça aurait pu être mon frère, ça aurait pu être ma sœur ». Et aussi faire en sorte que ce soit en 2050, en 2060, en 2070, qu'on n'oublie pas qu'il s'est passé des choses d'une telle gravité au Sénégal. C'était ça l'idée de Cartogra Free Sénégal. Et c'est pour cela qu'on a rassemblé plus de 40 journalistes et des ingénieurs de données, des statisticiens qui nous ont aidés également à analyser les données obtenues, les résultats sur les certificats de décès, les témoignages, par rapport aux circonstances de la mort, ce qui a permis de révéler, entre autres, que la majorité avait été tuée par balle, par exemple. Et ça, c'était un travail d'histoire, un travail de mémoire, un premier pas pour leur rendre justice.Cela vous a permis de recueillir les histoires de certaines de ces victimes. Et certaines de ces histoires font froid dans le dos. Lesquelles, selon vous, illustrent le mieux le niveau de ces violences électorales ?Il y a les tortures suivies de mort de la victime. Il y a...
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  • Arthur Banga: «Le bilan de la coopération militaire franco-ivoirienne est largement positif»
    Jan 2 2025
    Le drapeau de la Côte d’Ivoire sera bientôt hissé sur la base militaire de Port-Bouët. Dans son allocution pour les vœux du Nouvel an, le président Alassane Ouattara a annoncé la rétrocession du camp militaire français d’Abidjan d’ici la fin du mois. La base passera sous commandement ivoirien, et sera rebaptisée « Général Ouattara Thomas d’Aquin », en hommage au premier chef d’état-major de l’armée du pays. Sur le plan de la défense, Abidjan et Paris entretiennent une relation historique, malgré une période particulièrement conflictuelle durant la présidence de Laurent Gbagbo. Arthur Banga est chercheur spécialiste des questions de défense à l'université Félix-Houphouët-Boigny d'Abidjan. Il répond aux questions de Sidy Yansané. RFI : Le président Alassane Ouattara a donc annoncé la rétrocession du camp militaire français de Port-Bouët. Sur le plan purement pratique, qu'est-ce que cela veut dire ?Arthur Banga : Cela veut dire d'abord qu’il y aura une réduction considérable du nombre de militaires français en Côte d'Ivoire. Ils vont passer d'environ 400 à une centaine et que finalement le camp sera commandé par l'armée ivoirienne. À partir de janvier, ce sera donc clairement un camp désormais ivoirien.Le chef de l'État ivoirien a tout de même précisé que cette rétrocession se fera dans les 30 prochains jours. Donc un délai très court. Est-ce que c'est réalisable, selon vous ?Oui, parce que ça a été préparé en amont. L'annonce a été officialisée dans le discours du chef de l'État à la Nation. Mais ce sont des questions qui sont débattues depuis pratiquement deux ans. L'idée, c'est donc d'abandonner le principe de l'intervention pour se concentrer sur les questions de formation, d'entraînement et d'équipement.C'est aussi une page qui se tourne dans la relation franco-ivoirienne. Le camp de Port-Bouët a servi à l'opération Licorne de l'armée française, qui a durablement marqué les Ivoiriens dans les années 2000. Quel bilan vous tirez de cette relation militaire entre les deux pays ?Le grand changement aujourd'hui, c'est que pour la première fois dans l'histoire militaire commune de ces deux pays, on sort de la logique de l'intervention militaire étrangère. Les interventions françaises sur le territoire ivoirien, comme on a pu le voir en 2002 et en 2011, incarnent un modèle qu’il faut désormais oublier. Cela dit, le bilan de la coopération militaire franco-ivoirien est largement positif.Quels aspects considérez-vous positifs ?D'abord, cette coopération a permis à la Côte d'Ivoire de garder une stabilité durant toute la période de guerre froide où les menaces soviétiques emportaient certains régimes et même certains pays. Il ne faut pas l'oublier. Elle a permis à la Côte d'Ivoire de mettre en place son armée et d'être performante à un certain moment de son histoire. En termes de faiblesses dans la relation Abidjan-Paris, on note justement en 2002 l'incapacité de l'armée ivoirienne à pouvoir réagir, ou le fait que l'armée française, par cette idée d'intervention, se retrouve en première ligne. On l'a vu en 2002, en 2004 à l'hôtel Ivoire et en 2011. Et justement, on essaie aujourd'hui de se débarrasser de ces faiblesses pour se concentrer sur les forces de la coopération militaire franco-ivoirienne qui est une relation humaine, une vraie camaraderie militaire qui est née entre les militaires de ces deux pays. La montée en puissance de l'armement est aussi une partie de cette coopération.Après le Sénégal et le Tchad, c'est la troisième annonce d'un départ des forces françaises sur le sol africain pour le seul mois de décembre. Cela va dans le sens de la nouvelle philosophie militaire de Paris qui veut une présence moins visible, mais tout en poursuivant sa coopération militaire. Alors, comment cela va-t-il s'articuler selon vous ?On est dans cette nouvelle vision française, mais il ne faut pas l'oublier que cette vision a surtout été poussée par les opinions publiques africaines, et même par des militaires africains qui veulent plus d'indépendance, plus de liberté de manœuvre. Désormais, on s'inscrit dans cette nouvelle politique. Avec les cas ivoiriens, sénégalais et tchadiens, on a vu les diverses formes de coopération militaire de la France. Au Tchad, où l'armée française est le plus intervenue en Afrique, la non-intervention française face aux attaques terroristes qui ont récemment frappé le pays a rendu cette présence militaire inutile aux yeux des autorités car la logique d'intervention était au cœur de la coopération militaire. Au Sénégal, c'est surtout la logique politique d’Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye qui les amène à vouloir zéro présence militaire étrangère. C’est donc quelque chose de beaucoup plus radical dans leur pensée, mais qui, par le processus démocratique qui a entraîné l'arrivée au pouvoir de Diomaye ...
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  • Mozambique: «Le Frelimo contrôle tout sauf le désir de changement des citoyens», analyse Sergio Chichava
    Jan 1 2025
    Les manifestations continuent au Mozambique. Le principal opposant, Venancio Mondlane, continue de contester les résultats de l’élection présidentielle d’octobre dernier, donnant la victoire au candidat du Frelimo, Daniel Chapo. Le parti au pouvoir depuis l’indépendance, en 1975, n’avait jamais été aussi fortement remis en cause. Les manifestations frappent toutes les régions du pays, y compris ses propres bastions dans le sud. Et la répression a causé plus de 260 morts, selon l’ONG locale Plataforma Decide. L’ONU s’est dite ce 31 décembre « profondément inquiète » de l’« escalade de la violence qui a forcé des milliers de personnes à fuir » dans des pays voisins. Comment expliquer un mouvement d’une telle ampleur ? Et un tel rejet du Frelimo ? Sergio Chichava, professeur de sciences politique à l’université Eduardo Mondlane de Maputo, est notre invité. RFI : Ce n'est pas la première fois que des élections sont contestées au Mozambique, mais en quoi cette mobilisation est inédite ? Et quelles sont les images qui vous ont frappées ?Sergio Chichava : Il y a beaucoup de routes qui sont bloquées et on ne peut pas circuler normalement. Et même les péages ne sont pas payés. On ne paye plus les péages à Maputo, au Mozambique, parce que Venancio Mondlane a dit : « On ne doit pas payer de péage », donc on ne paye pas. Et les taxes dans le marché informel, les gens ne les payent pas non plus. Donc, ce sont des choses qui ne se produisaient jamais.Les manifestations ont eu lieu sur l'ensemble du territoire national, y compris dans les bastions du Frelimo. On a aussi vu le déboulonnage de la statue du général Alberto Chipande, un héros de la guerre de libération. Est-ce la fin de l'hégémonie du Frelimo ?On devrait arrêter de parler de l'hégémonie du Frelimo, depuis les deuxièmes élections que le Mozambique a connues. Parce que toutes les élections qui ont suivi ont été frauduleuses. Donc, si un régime se maintient au pourvoir à travers des élections non-transparentes, je ne sais pas si on peut parler d'hégémonie. La différence avec ce qu’il s'est passé auparavant, c'est qu'il y avait des classes sociales, il y avait des régions qui soutenaient encore le Frelimo. Mais, maintenant, il n’y a presque plus aucune région qui soutient le Frelimo. Et aussi, vous avez parlé de déboulonnage de la statue de Monsieur Chipande, mais vous avez oublié de parler du déboulonnage de la statue du président Filipe Nyusi, également déboulonnée, il me semble au mois d’octobre. Ils ont coupé la tête de cette statue à Maputo. Maintenant, on est dans une situation où des gens du Frelimo ont peur de marcher dans les rues, en portant des vêtements de leur parti. Ça, c'était impensable ! Donc, être du Frelimo aujourd'hui n'est plus à la mode, c'est un danger. Le Frelimo demeure au pouvoir juste parce qu’il contrôle l'État, il contrôle l'économie, il contrôle l'armée. Il contrôle tout au Mozambique, mais il ne contrôle plus le désir de changement des citoyens. Les gens veulent le changement, ils ont choisi leur candidat et c'est cela qui importe.Et pourquoi est-ce que la popularité du Frelimo s'est effondrée ? Est-ce avant tout à cause de son bilan économique ?C’est surtout ça ! Son bilan est négatif du point de vue économique. C'est aussi le fait qu’on voit de plus en plus de gens du Frelimo en train de s'enrichir, alors que la majorité de la population n'a aucun bénéfice. Toutes les anciennes bases sociales du Frelimo se sont écroulées. Donc, le Frelimo, avant, bénéficiait du vote des fonctionnaires. Mais les fonctionnaires ont été, eux aussi, très affectés par les mauvaises politiques du Frelimo, ils sont dégoûtés. Même au sein de l'armée, on a vu des gens de l'armée en train de protester dans l'anonymat, mais en montrant qu'ils étaient des policiers, qu'ils étaient des soldats ! Donc, moi je trouve que, aujourd'hui, il y'a très peu de gens qui soutiennent le Frelimo, sauf les gens qui bénéficient du fait que le Frelimo continue toujours au pouvoir.Venancio Mondlane, aujourd'hui en exil, a appelé à plusieurs reprises à un dialogue. Est-ce que lui et le Frelimo sont prêts à entrer en négociation ?Un dialogue est toujours possible dès lors que le dialogue est sérieux. Moi, je ne vois pas le Frelimo intéressé par un dialogue sérieux. Parce que le Frelimo veut conserver le pouvoir. Donc, il fera tout pour le conserver, même en faisant un dialogue qui n'est pas sérieux. La base sociale de Venancio Mondlane ne veut pas de négociations avec le Frelimo. Si Venancio Mondlane s’engage dans des négociations avec le Frelimo, c'est pour qu'il puisse être au pouvoir, c'est pour qu'il obtienne la vérité électorale, pas pour une autre solution. Donc, si Venancio Mondlane arrive à trouver une autre solution en accord avec le Frelimo qui soit différente, ce sera une grande déception ...
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  • Guinée: «Il y a une volonté de faire taire toutes les voix discordantes», Alseny Sall (OGDH)
    Dec 31 2024
    Contrairement aux engagements qu'avait pris Conakry, l'année 2024 ne marquera pas la fin de la transition en Guinée. Le glissement du calendrier de la transition au delà de la date butoire du 31 décembre est source d'inquiétudes et la plateforme des Forces Vives, qui regroupe l'opposition et des organisations de la société civile a déjà annoncé qu'elle ne reconnaîtrait plus les autorités de transition à compter de ce mardi...Trois ans après la prise de pouvoir par les militaires - le 5 septembre 2021 - quelle est le bilan de la transition à ce jour ? Éléments de réponse avec Alseny Sall, chargé de communication pour l'organisation guineenne de défense des droits de l'homme et du citoyen, l'OGDH. Il est l'invité de Liza Fabbian. RFI : Cette prolongation de la transition au-delà du 31 décembre 2024 en Guinée, qu'est-ce que ça vous inspire ?Alseny Sall : Écoutez, pour nous, ce n'est pas une surprise. La durée de la transition devait être fixée de commun accord entre les Forces vives de la nation et le CNRD. Et malheureusement, vous le savez, que le CNRD l’a établi lui-même avec la Cédéao. Donc, c’est un accord qui a été fait sur le dos du peuple de Guinée, sur le dos des Forces vives. D'ailleurs, en Guinée, on ne parle plus de « transition », on parle plutôt de « refondation ». Et tout ça en violation de la Charte de la transition qui a été élaboré et promulgué par le CNRD, sans concertation avec le peuple. Donc, si le CNRD lui-même ne respecte pas ses engagements, ce n'est pas une surprise dans la mesure où il n'y a jamais eu une volonté de dialoguer au niveau national pour trouver un consensus sur le calendrier de la transition.Malheureusement, cela place notre pays dans une situation incertaine à partir de janvier.Le Président Doumbouya, au lendemain de sa prise de pouvoir, avait indiqué que « la justice serait la boussole de la transition ». Effectivement, il y a eu un procès du massacre du stade du 28 septembre 2009, ce verdict est-il une promesse tenue selon vous ?Quand même, il faut le reconnaître, c’est la première fois dans l'histoire de toute l'Afrique, qu'une juridiction nationale africaine juge des hauts dignitaires de l'État pour des crimes contre l'humanité, et les condamne pour leurs responsabilités sur des crimes de masse. Donc pour nous, c'est un point très positif, ça crée un précédent très très positif. Même si aujourd'hui, nous avons l'impression que la junte qui a organisé ce procès, n'en tire par les leçons elle-même. La situation générale des droits de l'Homme contraste avec ce procès. On a commencé par une interdiction systématique du droit de manifestation, parce qu'il n'y avait pas la volonté de dialoguer. Et deuxièmement, on a commencé à censurer les médias. Et de la censure, on est allé jusqu'à fermer les médias qui étaient jugés critiques ou qui donnaient la parole aux voix dissidentes. Aujourd’hui, nous assistons à des nouvelles formes de violation de droits de l’Homme, des kidnappings et des détentions dans des lieux secrets qui sont contraires aux engagements du 5 septembre.Oui, on a vu ces derniers mois une multiplication des disparitions forcées, notamment celles des leaders du FNDC Foniké Menguè et Billo Bah, il y a bientôt 6 mois ou juste la semaine dernière, celle de Aliou Bah. Peut-on parler d'un tour de vis répressif en Guinée ?Pour nous aujourd'hui, il y a une volonté systématique de taire toutes les voix dissonantes. Aliou, qui a été arrêté en dernier, faisait partie des voix les plus critiques de la transition. Mais il le faisait dans le respect des règles et des principes républicains, et donc il a été arrêté de manière irrégulière et jusqu'ici il reste en détention prolongée en dépit des protestations que nous avons faites pour dénoncer cette situation. En plus de Aliou Bah, il y a aussi évidemment les cas Foniké Menguè. Il y a le cas Saadou Nimaga, il y a le cas Habib Marouane Camara, et la justice aujourd'hui, elle est absente. Par exemple, Foniké Menguè et Billo Bah ont été arrêtés par des hommes en uniforme, mais jusqu'à présent, la justice dit qu'elle ne sait pas où se trouvent ces personnes. Et celles qui dénoncent aujourd'hui cette situation sont aussi poursuivies ou harcelées ou même kidnappées. La justice doit travailler non seulement à empêcher les violations des droits de l'Homme, mais aussi veiller à la protection des droits de tous les citoyens.Il y a un mois, la Guinée a été endeuillée par une bousculade mortelle au sein du stade de Nzérékoré. Mais pour l'instant, il n'y a aucune communication officielle sur les avancées de l'enquête, comment l'expliquez-vous ?Cette bousculade est intervenue à l'occasion d'une propagande politique dans le cadre des préparatifs d'une candidature du chef de la junte au pouvoir. Mamadi Doumbouya nous avait promis de lutter contre le culte de la ...
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  • Polémique sur les tirailleurs sénégalais: «Des griefs qui flairent la manipulation et le populisme» dit Christian Eboulé
    Dec 30 2024
    Les tirailleurs sénégalais sont-ils « des traîtres qui se sont battus contre leurs frères », comme dit le ministre sénégalais Cheikh Oumar Diagne ? Depuis une semaine, cette déclaration fait scandale. « Cette sortie est très malheureuse », dit l’un de ses collègues, le porte-parole du gouvernement sénégalais, Moustapha Njekk Sarré. Christian Eboulé, journaliste à TV5 Monde, est un spécialiste de l’histoire des tirailleurs sénégalais. Aux éditions Les lettres mouchetées, il vient de publier « Le testament de Charles », un livre consacré au capitaine franco-gabonais Charles N’tchoréré, abattu par les Allemands en 1940. À partir de la fin février, ce livre sera également publié par les éditions Afredit, basées à Yaoundé, et sera distribué dans toute l’Afrique centrale. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier. RFI : Alors Charles N’tchoréré, c'était un officier français d'origine gabonaise, qui avait multiplié les faits d'armes depuis la guerre de 1914. Pour vous, c'est un héros français ou un héros gabonais ?Christian Eboulé : Pour moi, c'est un héros tout court, parce qu'il a défendu les valeurs d'humanité et de fraternité sur un terrain d'opération, la Seconde Guerre mondiale, dans lequel il avait été amené, comme capitaine des troupes coloniales françaises. C'était un humaniste en uniforme de mon point de vue et son combat, lors de cette Guerre mondiale en 1940, c'était un combat pour cet universalisme que la France promouvait et défendait pendant la période coloniale. Donc, c'était un homme qui ne se battait pas uniquement pour la France, il se battait pour l'idée qu'il se faisait de la liberté.Et après avoir été capturé par les Allemands, il a donc été séparé des autres officiers de l'armée française et abattu d'une balle dans la tête, est-ce à dire qu'il a été tué parce qu'il était noir ?Il a effectivement été tué parce qu'il était noir, parce qu'il a protesté contre cette ségrégation. Il a aussi protesté contre les massacres qui étaient pratiqués par certaines unités allemandes, certaines unités, pas toutes. Les unités nazies, notamment, massacraient de manière systématique les tirailleurs sénégalais. Charles N’tchoréré s'est opposé à ces deux pratiques et il y a laissé sa vie.Depuis quelques jours, un ministre sénégalais, Cheikh Oumar Diagne, créé la polémique sur les tirailleurs sénégalais. Il affirme : « Leur bataillon a été créé par le colon, ce sont des traîtres qui se sont battus contre leurs frères dans leur pays. Pour moi, ce ne sont pas des héros, en tout cas pas des héros à nous. »Cheikh Oumar Diagne n'est pas n'importe qui, c'est un ministre conseiller à la Présidence. Alors, ce sont des propos d'une très grande violence, car dans son interview, il affirme une litanie de griefs sans fondements qui flaire, à mon avis, la manipulation et le populisme. Cheikh Oumar Diagne affirme pêle-mêle que les tirailleurs battaient les Sénégalais, s'en prenant aux villageois, attaquaient les résistants, tuaient les marabouts et les maîtres coraniques. Autre exemple, il affirme que la seule préoccupation des tirailleurs sénégalais était pécuniaire. C'était l'argent leur préoccupation. Et pour preuve, Il cite les massacres de Thiaroye. Autrement dit, à Thiaroye, tous ceux qui ont été massacrés, s'étaient rebellés par cupidité. Ici, on constate que notre ministre conseiller ignore toutes les difficultés des tirailleurs et surtout leurs difficiles conditions de vie contre lesquelles luttait notamment le capitaine Charles N’tchoréré qui était la voix des tirailleurs. À Thiaroye, ils se battaient pour leur dû et pour leur dignité. C'étaient les deux. Les deux étaient indissociables. Ils avaient fait la guerre, ils étaient retournés. On leur avait promis cet argent. Il était normal qu'ils le réclament.Est-ce que tout est faux dans ce que dit Cheikh Oumar Diagne, le ministre sénégalais ? Un historien sénégalais, Mamadou Fall, a ce mot : « Il y a eu des moments où la France a fait faire aux tirailleurs une sale besogne. » Au Cameroun, en septembre 1958, ce sont des troupes coloniales françaises qui ont abattu le dirigeant indépendantiste Ruben Um Nyobè, notamment des troupes d'origine tchadienne. Est-ce que « cette sale besogne », pour reprendre l'expression de Mamadou Fall, n'entache pas la mémoire des tirailleurs sénégalais ?Je crois que les tirailleurs sénégalais ont le dos large. Ils étaient des supplétifs, pour la plupart, ce sont des hommes qui ont vécu sous la domination coloniale, qui ont essayé de s'en sortir et qui, par différents mécanismes, étaient parfois contraints. Je rappelle juste une chose : le service militaire était obligatoire durant l'entre-deux-guerres. L'ancien président Aboubakar Sangoulé Lamizana, c'est de cette manière qu'il a été incorporé dans les troupes coloniales et les ...
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