Épisodes

  • Armée française, l’adieu au Tchad après des décennies de présence permanente
    Feb 2 2025
    L'armée française a rétrocédé jeudi sa dernière base militaire à l'armée tchadienne. Le départ du camp Kossei de Ndjamena, vient boucler une présence militaire française historique au Tchad. Cent cinquante ans d’une présence militaire continue.1885, c’est « la course aux clochers » selon la formule de l’époque, rappelle l’historien Christian Bouquet, trois colonnes militaires françaises s’élancent alors à travers l’Afrique, « Une qui partait du sud, une qui partait de l'ouest et du Sénégal et l'autre qui partait du nord, c'est-à-dire d'Algérie. Et c'est celle qui venait d'Algérie qui a rejoint les autres, d'abord au niveau du Lac Tchad et ensuite au niveau de la bourgade qui allait devenir Ndjamena, après s'être appelée Fort-Lamy. C'est cette dernière colonne en fait, qui avait été impressionnée par les fameux guerriers du désert. Alors à partir de là, il y a eu une certaine admiration pour ces gens qui se battaient et qui n'avaient pas peur de mourir ». Le préfet-méhariste Jean ChapelleDes décennies durant, Lieutenants et capitaines français, véritable colonne vertébrale d’une administration coloniale, vont façonner l’immense territoire tchadien et l’indépendance, dit Christian Bouquet, n’y changera rien, « Après l'indépendance de 1960 et pendant trois ans, toute l'immense région nord du Tchad, c'est-à-dire le Borkou-Ennedi-Tibesti, avait comme préfet un colonel français, le colonel méhariste Jean Chapelle. Et puis ensuite, assez rapidement, à la fin des années 60, l'instabilité était grande et on a fait revenir cette fameuse mission de réorganisation administrative en 1969. C'est le général De Gaulle qui a accédé à la demande de Tombalbaye (François Tombalbaye, dit Ngarta Tombalbaye, 1er président de la République du Tchad) et on a renvoyé des administrateurs coloniaux, souvent dans leurs anciens postes, pour essayer de rétablir l'ordre ». Le Tchad va servir de creuset à l’armée françaiseOpération Bison, Tacaud puis Manta contre la Libye du Colonel Kadhafi. Les opérations extérieures au Tchad se multiplient dans les années 70. De 1984 à 2013 l’opération Épervier, la plus longue, fut décidée pour protéger les régimes d'Hissène Habré et d'Idriss Déby face aux groupes rebelles. Le Tchad au centre du grand jeu, même l’opération Barkhane au Sahel avait son État-Major à Ndjamena. Tous les officiers français y sont passés se souvient le Colonel des troupes de Marine Peer de Jong : « Le Tchad, c'est une partie de ma jeunesse ! Mais aussi la jeunesse de tous les officiers français. La professionnalisation de l'armée française vient en partie des combats de 1969 au Tchad, parce qu'on avait la Légion étrangère, mais il y avait des besoins, donc il a fallu professionnaliser une partie de l'armée française, dont le 3e régiment d'infanterie de Marine. Et donc cette construction autour de Tchad a fait qu'évidemment l'histoire de l'armée française s'est inscrite dans l'histoire du Tchad. Il y a un vrai attachement, et puis c’est un pays magnifique. En plus, le nord, le sud, vous faites 100 km, vous avez un paysage différent ! En termes géostratégiques, on voit bien que le Tchad est déterminant, qui est au Tchad, peut rayonner dans l'ensemble de l'Afrique. On voit bien l'utilité pour l'armée française d'être présent au Tchad ». Une relation étroite entre les deux arméesEntre le Tchad et l’armée française, c’est une histoire intime relève l’historien Christian Bouquet, « C'est quelque chose qui relève de l'émotion. Il y a tellement eu d'opérations et d'interventions militaires françaises sur ce territoire, qui en plus est un territoire géographiquement très attachant avec cette zone sahélienne et toute cette zone saharienne. Depuis que le commandant Lamy était mort sur les bords du fleuve Chari, il y a toute une mythologie qui fait que les militaires français ont un petit coup au cœur ».L’armée tchadienne est la plus efficace de la région assurent les officiers français, prêts à ouvrir un nouveau chapitre de la relation militaire franco-tchadienne, qui pour la première fois se fera sans présence permanente.À lire aussiAu Tchad, une cérémonie clôt la présence militaire française, la Turquie y installe ses drones
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  • Bariolage Multi-Environnement (BME), le nouveau treillis des armées françaises
    Jan 26 2025

    Il signe l’appartenance à une armée, vêtement du quotidien, le treillis de l’armée française fait sa mue et sa révolution. Fini les treillis « désert » bien jaune, ou les treillis « centre Europe » bien verts, place désormais au BME pour « bariolage multi-environnement » : un seul vêtement pour tous les environnements, aux couleurs soigneusement choisies

    C’est une alternance de grandes et petites taches brisées, avec un panachage de vert, un soupçon de kaki, et un fond brun dit « Terre de France ». Très utile ce « terre de France » insiste le commandant Stéphane, le doigt sur le nouveau treillis qu’il porte, il est responsable du programme BME au sein de la section technique de l’armée de terre : « Il y a un peu de marron, un peu de brun, on appelle ça le 'brun terre de France', qui est la couleur majoritaire et qui est celle qui fusionne à la distance de portée des tirs. »

    Il y a aussi du blanc, une première. « Absolument, d'ailleurs le blanc, vous le voyez sur très peu de treillis dans le monde. C'est un petit peu une caractéristique du BME. Le blanc, il apporte en fait un contraste très fort, le blanc c'est un petit peu le reflet du soleil sur une feuille dans la lisière. Les contrastes que nous donnent les couleurs donnent du relief et permettent cette adaptation à un plus grand nombre d'environnements. »

    Du blanc mais pas de noir

    Du blanc donc, mais cette fois pas de noir, « Le précédent treillis fusionnait en noir et le noir dans la nature, il n'existe pas. À l'état naturel en tout cas. Et c'est la couleur qui a le plus fort signalement aux infrarouges et même à l'œil nu, donc il a été retiré. C'était en fait une faiblesse technique pour le Centre Europe. »

    Simplifier la logistique

    Un treillis à la place de deux, l’objectif est donc de simplifier la logistique. Et pour y parvenir six ans d’études et de tests auront été nécessaires, souligne le commissaire en chef Nicolas, chef de la division Habillement au sein des armées, « Oui, ça prend du temps parce que par exemple, le blanc pour avoir cet effet de dissimulation, il est difficile à mettre au point puisque le tissu est assez technique. Il incorpore des fibres d'aramide, qui donne une protection au feu, on dit que le treillis est thermostable. Ensuite, on a la phase d'approvisionnement du tissu. On a dû en commander 3,5 millions de mètres linéaires. Et une fois qu'on a approvisionné le tissu et qu'on l'a contrôlé pour vérifier qu’il présentait toutes les caractéristiques demandées par les armées, on le donne à d'autres types d'industriels qui vont nous confectionner les tenues. Ce qui a été important pour nous, c'est d'avoir le temps de constituer un stock suffisant pour qu'ensuite la manœuvre de distribution se passe de façon fluide et pilotée. Une fois que le bouton 'ON' a été enclenché, ça ne s'arrête jamais ! »

    Le chef d’état-major des Armées sera le dernier à percevoir le sien

    Quelque 750 000 treillis ont été commandés. Deux industriels français et une société belge produisent le tissu qui est ensuite coupé en Bulgarie, avec quelques modifications, indique le commandant Stéphane : « On a rajouté de l'ergonomie au treillis F 3 tel qu'il avait été conçu initialement. Tout d'abord, dans la poche de poitrine, plutôt que d'avoir du tissu en fond de poche, nous avons mis un tissu Mesh, c'est un tissu qui est aéré. Ensuite, nous avons rajouté une poche qui se superpose à la poche cargo que nous avons sur la cuisse. Cette nouvelle poche s’ouvre verticalement, lorsque nous avons un genou à terre, nous pouvons accéder à cette poche et récupérer une checklist ou un message à envoyer, sans avoir besoin de se relever pour aller le récupérer ».

    Ce treillis BME sera en dotation pour au moins trente ans. Les troupes en opération seront les premières équipées et comme le veut la tradition : le chef d’état-major des Armées sera le dernier à percevoir le sien.

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  • La présence de soldats Nord-coréens en Ukraine inquiète Séoul
    Jan 19 2025
    Quelque 300 soldats nord-coréens ont été tués et plus de 2 000 blessés sur les milliers d’hommes déployés par Pyongyang en Russie, c'est le chiffre donné en début de semaine par un député sud-coréen. Ni Moscou, ni Pyongyang ne reconnaissent la présence de troupes nord-coréennes dans la région de Koursk. En revanche, l’Ukraine, les États-Unis et la Corée du Sud accusent le régime de Kim Jong Un d’avoir envoyé plus de 10 000 soldats pour aider les forces russes dans leur invasion. Et il y a quelques jours, Kiev a diffusé le 11 janvier les images de deux prisonniers, une preuve irréfutable de cette présence Nord-Coréenne. Le NIS, le renseignement Sud-Coréen, auditionné par le Parlement à Séoul a admis avoir participé à leur interrogatoire nous dit notre confrère Stéphane Lagarde, de passage en Corée : « Les médias ici effectivement ont repris ce qui est sorti du briefing à huis clos des parlementaires sud-coréens, donc l'agence de renseignement sud-coréenne a fait une conférence à l'Assemblée nationale concernant ces soldats nord-coréens arrêtés dans la région de Koursk. Des éléments ont fuité. L'agence de renseignement sud-coréenne aurait pointé tout d'abord une préparation au terrain, ce qui expliquerait ces pertes importantes de soldats Nord-Coréens qui n’ont pas l'habitude notamment des grandes plaines : ils étaient dans des zones découvertes visiblement. « Et puis un manque de préparation aussi à la guerre moderne avec les drones. On a vu beaucoup de ces vidéos de duels quasiment au corps à corps entre soldats nord-coréens et drones. Donc ils n’étaient pas préparés à cela. Et on a vu également passer ce dessin de soldats Nord-Coréens, montrant justement qu'ils auraient peut-être servi d'appâts, puisqu'on a retrouvé sur une dépouille d'un soldat nord-coréen un dessin montrant des soldats au sol, combattants ces drones. On a vu aussi les images, évidemment, dans la presse sud-coréenne des deux soldats prisonniers. L’un avec le visage bandé, l'autre avec une bande sur le menton. Ce sont des soldats dévoués au pouvoir nord-coréen. Il y a eu des mémos qui ont été retrouvés sur les dépouilles des soldats disant qu'ils avaient reçu pour ordre de se suicider plutôt que de se laisser capturer. Puis le média de fact.kr, pointe également ces images, d’un Nord-Coréen qui dégoupille une grenade et crie : "Vive le général Kim Jong-un !" Donc voilà des ordres de ne pas se laisser prendre »À lire aussiQue cherche l'Ukraine en diffusant des images des soldats nord-coréens combattant en Russie?L’implication de la Corée du Nord constitue une escalade majeure et inquiète vivement Séoul, relève encore Stéphane Lagarde : « Il y a d'abord la crainte d'une délocalisation d'un conflit européen ici en dans le nord-est asiatique. Et puis surtout de l'échange qu’il y a dû y avoir. Pyongyang est sorti de l'isolement post-Covid-19 avec cet accord avec la Russie, avec cet envoi de soldats nord-coréens en Ukraine, forcément, il y a un deal derrière. Et donc ici, on s'inquiète de ce qui a été donné par la Russie en matière technologique, en matière de renforcement de l'arsenal nord-coréen. Et puis on s'inquiète aussi sur le plan intérieur. « La Corée du Sud est en pleine crise politique suite à la loi martiale qui avait été décrétée par le président Yoon Suk-yeol, qui aujourd'hui est en procédure de destitution. Ce président avait dégainé la loi martiale en raison soi-disant de menaces nord-coréennes. Et donc des démocrates ici demandent à ce que les agents des renseignements sud-coréens ayant participé aux interrogatoires des soldats nord-coréens aux côtés des forces ukrainiennes rentrent au pays. Cela ainsi que les conseillers militaires sud-coréens pour éviter d'alimenter tout conflit. »Contreparties dans la balance ?Qu’a bien pu promettre Moscou pour inciter Pyongyang à s’engager dans une aventure militaire sur le sol européen Beaucoup de capacitaire et une bonne dose de diplomatie, estime le chercheur en relations internationales Cyrille Bret : « Des contreparties diplomatiques, avec un soutien du veto russe au Conseil de sécurité des Nations unies et sur d'éventuelles négociations nucléaires avec l'administration Trump 2. Évidemment, des contreparties capacitaires, avec le transfert d'équipements de défense anti-aérienne russe. Une mutualisation des retours d'expérience d'aguerrissement sur le théâtre européen, et puis probablement également des échanges d'informations grâce à la couverture satellitaire que la Russie opère sur la plupart des champs connexes à son territoire national. »Un « deal », pointe Cyrille Bret, qui signe la renaissance d’une très vielle alliance née lors de la guerre de Corée : « L’alliance Russie-Corée du Nord, conçue comme une façon d'équilibrer l'expansion de la puissance ...
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  • Ukraine, les drones de combat, nouveaux rois du champ de bataille
    Jan 12 2025
    L'état-major de l'armée ukrainienne a dit mercredi 8 janvier, avoir frappé avec des drones, un dépôt pétrolier à Engels, où est basée l'aviation stratégique russe. L'attaque à 500 kilomètres de la frontière ukrainienne illustre l’omniprésence des drones dans ce conflit. Après bientôt trois ans de guerre, le retour d’expérience est sans appel, les drones de combat sont devenus les nouveaux rois du champ de bataille. Le chiffre est vertigineux : pour la seule année 2024, l’Ukraine a produit plus d’un million de drones et en majorité des drones suicides, responsables à eux seuls de la plupart des frappes sur la ligne de front. Ces machines de toute taille, souligne le colonel Frédéric, célèbre artilleur français et ex-commandant de la Task Force Wagram en Irak (Déployée de 2016 à 2019, la Task Force Wagram a participé au « pilier appui » de l’opération Inherent Resolve en Irak. Equipés de canons Caesar, les artilleurs ont soutenu l’action des forces partenaires engagées au sol dans les combats contre Daech), ont révolutionné dans tous les compartiments, l’art de la guerre : « Les drones permettent surtout de tirer dans la profondeur pour façonner l'adversaire, détruire ses propres moyens d'artillerie, c'est ce qu'on appelle gagner la supériorité des feux, c'est la contre batterie. On peut aussi détruire des postes de commandement, des dépôts logistiques ou des concentrations de force. Les drones permettent aussi de donner des éléments pour cloisonner l'adversaire. C'est-à-dire l'amener par exemple sur un endroit où on va lui tendre une embuscade. On a toujours besoin d'autres capteurs. Les observateurs d'artillerie sont toujours là, ça peut être aussi des radars qui vont détecter sur une route le déplacement d'une colonne blindée. C'est une combinaison de tous ces capteurs qui permettent d'ouvrir le brouillard de la guerre et d'aller détecter le dispositif adverse, comprendre sa manœuvre pour demander des feux d'artillerie, en utilisant les mortiers, le canon Caesar, et pourquoi pas un lance-roquette unitaire au besoin ».À lire aussiFrappes de drones et tirs de missiles: la Russie et l'Ukraine en pleine escaladeJusqu’à 10 000 drones utilisés chaque jour en UkrainePour compenser une pénurie d’obus l’armée ukrainienne s’est tournée vers les drones jusqu’à en consommer parfois 10 000 par jour. Les drones utilisés en masse, c’est une révolution, il faut en tirer les leçons dit l’expert aéronautique Xavier Tytelman,« En Ukraine, vous avez un drone pour 6 à 8 personnes et vous avez l'omniprésence des drones kamikazes. Que ce soient les États-Unis, ou l'Europe, personne n'est prêt à faire la guerre en consommant 10 000 drones par jour. Pourtant, c'est ça qui est nécessaire pour la guerre. Et c'est ça qui donne des résultats qui permettent à l'Ukraine de détruire toutes les offensives russes et d'avoir autant de succès en termes de rapports de force et de nombre de pertes. L'Agence européenne de défense a justement dit les 4 domaines dans lesquels il fallait absolument qu'on se renforce. Parmi ces 4 domaines, il y a les munitions à usage unique, les munitions télé opérées, les drones kamikazes et il y a également la guerre électronique. Et je pense que c'est les deux domaines dans lesquels on a réalisé qu'on n'était pas du tout au niveau et qu'il faut vraiment qu'on fasse une accélération ». À lire aussiComment le drone kamikaze révolutionne l’économie de la guerreL’importance du couple drone-canonPour rester à niveau, il faut donc accélérer et c’est le cas notamment pour l’artillerie, grâce au couple drone-canon, l’artillerie insiste le colonel Frédéric est de nouveau la reine des batailles, « Nous avions déjà utilisé le couple drone - canon dans d'autres opérations, notamment l'opération Inherent Resolve au Levant (L'opération Inherent Resolve (OIR) est le nom de l'opération militaire américaine menée dans le cadre de la coalition internationale en Irak et en Syrie, à partir d’août 2014). Il est vrai qu'aujourd'hui, grâce à la multiplication de tous les types de drones, cela permet de raccourcir encore plus vite la boucle entre le capteur et les effecteurs afin de traiter tout type de cible. Cela permet aussi de décentraliser jusqu'au plus bas niveau, l'emploi des feux d'artillerie pour traiter des cibles qui auraient été détectées par ces drones qui ont finalement créé une réelle transparence du champ de bataille. Cette rapidité dans la boucle de décision a permis une plus grande efficacité pour les belligérants ». 2025 verra la montée en puissance de l’automatisation des drones, notamment le vol vers les zones de combat et la frappe de cibles sélectionnées, là encore pour gagner un temps d’avance sur l’adversaire.
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  • Quels scénarios pour la guerre en Ukraine en 2025?
    Jan 5 2025
    L'année 2025 sera-t-elle synonyme de paix en Ukraine ? Après bientôt trois ans de guerre, et peut-être un million de soldats tués ou blessés des deux côtés du front, les belligérants sont exsangues. Les conditions d’un règlement du conflit semblent se rapprocher, mais quels scénarios sont sur la table ? Difficile pour l’Ukraine de continuer le combat : en ce début 2025, le rapport de force ne lui est pas favorable et les États-Unis, son principal soutien, pourraient se défausser.Le cessez-le-feu n’est pas loin, estime Jean pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut des relations internationales et stratégiques, « très certainement, on ira vers un cessez-le-feu parce que le président des États-Unis le veut et parce que je pense que les belligérants peuvent y trouver un intérêt. Les Ukrainiens, parce qu'ils sont en difficulté sur le terrain, les Russes pour obtenir leur gain. Et puis d'autre part, du fait qu’eux aussi, ça leur coûte sur le long terme cette guerre : ils sont en économie de guerre, ils ne peuvent pas éternellement maintenir un tel effort. » Pendant les travaux, « la vente continue »Mais l’ouverture de pourparlers ne fait pas nécessairement taire les fusils, car souvent, pendant les travaux, « la vente continue », ironise le diplomate Jean de Gliniasty, « comme une des deux parties ne souhaite pas le cessez-le-feu, d'abord parce qu'elle marque des points, c'est la Russie qui en ce moment grignote. Et donc plus le temps passe, et plus cela va jouer en sa faveur. »« D'autre part, la Russie, elle, veut un traité de paix qui consolide ses acquis territoriaux alors que les Ukrainiens, maintenant que Trump est là, souscrivent à l'idée d'un cessez-le-feu. Mais un cessez-le-feu provisoire, puisqu'ils se réservent la possibilité de récupérer leurs territoires soit par la diplomatie, soit par la guerre. Donc ici, il y a deux positions différentes et il est clair que pendant que l’on mettra ça au clair, "la vente continuera", c'est-à-dire hélas, la guerre et les morts et les blessés… » Pas de GI’s sur le sol ukrainien, dit Donald TrumpDifficile dans ces conditions de trouver un chemin vers la paix. Raison pour laquelle la question des garanties de sécurité offertes à Kiev est cruciale, insiste le géopolitologue Pascal Boniface : « Si l'Ukraine est contrainte de céder les territoires, on peut aussi comprendre qu'ils aient besoin de garanties pour l'avenir parce qu’ils ont une confiance très modérée dans les promesses de Poutine. Et donc pour cela, il faut donner des garanties de sécurité. Et la présence dans un pays qui n'est plus en guerre contre la Russie de troupes françaises et britanniques pourrait avoir un effet dissuasif pour cette dernière. Puisque dans ce cas-là, ça serait la Russie qui devrait prendre l'initiative du conflit et non pas la France ou la Grande-Bretagne. » La Russie face à deux puissances dotées de l’arme nucléaire que sont de la France et de la Grande-Bretagne, aurait aussi beaucoup plus de mal à agiter la menace nucléaire.Reste que Donald Trump a prévenu, même en cas d’accord de paix définitif, lui n’enverra pas de soldats en Ukraine. Alors tous les regards, et à raison, se tournent vers Paris et Londres, alternative à l’Otan, décrypte Jean de Gliniasty : « Au moment de l'ersatz de l'accord de paix d'Istanbul, qui avait été quasiment agréé en avril 2022, il était prévu qu'il y ait des garanties des pays membres du Conseil de sécurité et il se trouve que, membres du Conseil de sécurité, la France et l'Angleterre sont aussi membres de l'Otan. Donc c'est une façon de contourner ce qui est un non possumus, c'est-à-dire une impossibilité pour les Russes qui ne peuvent pas accepter que l'Otan en tant que tel garantisse l'Ukraine et joue un rôle dans la paix en Ukraine. » Une paix provisoireIl est aussi possible qu’en 2025 la guerre continue. « Toute pression pour des négociations trop tôt nuisent à l’Ukraine », estime ainsi Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne.Il est possible aussi que des accords ne débouchent que sur une paix provisoire, indique, fataliste, Jean Pierre Maulny : « Si c'est un cessez-le-feu, ils ne perdront pas la face parce qu'ils diront toujours : "l'Ukraine reste une et entière avec le Donbass". Si c'est un accord de paix formel qui re-délimite les frontières, ils perdront. Alors peut-être qu’il peut y avoir un entre-deux. Vous savez, dans des accords de paix, on trouve toujours des solutions pour essayer de contenter les deux parties. Aux négociateurs peut-être de trouver la solution qui contente Moscou et Kiev. Mais on peut craindre que ça soit bancal sur le long terme et que ça ne soit qu'une paix provisoire, avec un provisoire qui peut durer longtemps. »Un scénario à la coréenne en quelque sorte, avec une ligne de front démilitarisée courant du nord au sud de l’...
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  • FN Herstal: le fabricant et concepteur belge d’armes de petit calibre qui attire vivement la France
    Dec 29 2024

    La Fabrique nationale belge (FN) de la région de Liège est une véritable pépite, spécialisée dans les armes automatiques et les mitrailleuses. Si elle est déjà un fournisseur privilégié de l’armée de terre française, l’entreprise pourrait être amenée à jouer un rôle plus important encore dans le paysage industriel militaire français. Cela notamment grâce à sa capacité à produire des munitions de petits calibres. FN Herstal, peu connue du grand public, a exceptionnellement ouvert ses portes à quelques journalistes. [Rediffusion]

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  • Ascalon, le canon français des chars de combat du futur
    Dec 22 2024
    C’est un projet structurant pour l’Europe de la Défense, son nom : le MGCS, pour système principal de combat terrestre. Ce char du futur, qui doit remplacer le Leopard 2 dans l'armée allemande et le Leclerc dans l'armée française vers 2040, peine pourtant à décoller. Mais le canon de ce char du futur existe déjà, KNDS France a présenté l’Ascalon, mais il fait l’objet de désaccords entre industriels. Qu’il est difficile de s’entendre lorsqu’on est quatre. Le char du futur est porté par Thales, Knds France–anciennement Nexter- Knds Allemagne avec Krauss Maffei Wegmann et enfin Rheinemetall, le géant allemand de la défense. Pour garantir un partage équitable des tâches, huit piliers capacitaires ont été édictés. Mais les choix technologiques seront faits après évaluation et des deux côtés du Rhin, on s’écharpe sur le canon.Rheinmettal a fait le choix d’un tube de 130 mm, quand Nexter propose l’Ascalon deux tubes pour tirer des obus de 120 et 140 mm.L’Ascalon est doté d’une architecture Super ShotEt l’Ascalon, nous l’avons vu au dernier salon d’Eurosatory, monté sur un char Leclerc Evolution, François Groshanny directeur de programme Char de combat futur chez KNDS France nous en a fait la présentation : « Quatre caractéristiques essentielles, d'abord, un niveau de puissance délivré à la bouche et à la cible jamais égalé. On a là une capacité à changer de calibre en moins de 30 Min. Troisième caractéristique, il est extrêmement compact, donc on utilise une architecture dite super shot. On voit ici la munition qui est une munition de 140 qui fait donc 130 millimètres de haut. Dernière chose, on travaille beaucoup à l'intégrabilité de ce canon en tourelle pour avoir une empreinte à l'intérieur de la tourelle qui est minimale et donc on pourra loger plus de personnel en châssis. » À lire aussiÀ quoi servent les chars sur le champ de bataille?Côté français, l’on craint que Rheinmetall et Krauss Maffei Wegmann réunis impose le canon allemand, et ce, malgré le coup d’avance de Nexter qui avec l’Ascalon propose une technologie de rupture. « Ascalon, c'est d'abord une technologie. »,François Groshanny,« Ici, elle est déclinée en 140 et en 120. Mais c'est une technologie qui pourrait être déclinée dans un autre calibre si c'était de nature à faire l'assentiment d’une force occidentale intéressée par le canon. Tout le monde connaît bien le canon du César qui est aujourd'hui une référence mondiale. On espère faire de l’Ascalon également la référence mondiale, mais cette fois-ci, pas sur le segment de l'artillerie, mais sur le segment des chars. »Des arbitrages industriels lourds de conséquencesIl y a donc des arbitrages industriels lourds de conséquences, surtout dans un contexte de retour de la guerre de haute intensité. La France ne veut pas devenir un nain industriel dans le segment des chars de combat. Pour François Groshanny, « La guerre en Ukraine a remis sur le devant de la scène la guerre symétrique. La France était plutôt organisée autour d'une armée de projection. On voit que cette période est révolue. On est en train de changer d'ère. Et quand on change d'ère et qu'on revient au combat asymétrique, ça veut dire qu'il faut se rééquiper avec toute la gamme et pas seulement avec la gamme des véhicules médians. Et puis le segment du char est un segment stratégique puisque c'est autour de ce segment qu’est en train de se réorganiser l'industrie de défense terrestre. On est dans une phase un peu de concentration. On l'a vu, nous, avec la création de Knds Group qui résulte de la fusion de Nexter et de Krauss Maffei Wegmann. Mais cette concentration est plus générale puisqu'on voit maintenant que dans MGCS on intègre Rheinmetall. Donc c'est vraiment sur ce segment de produit que s'opère la concentration de l'industrie et chacun travaille ses domaines d'excellence pour arriver à construire dans la durée le Lego qui va faire matcher les différents industriels. »À lire aussiAccord franco-allemand pour le projet de char du futurEt pour que cela puisse « matcher » et satisfaire français et allemand, la Direction Générale de l’Armement émet l’hypothèse d’une coexistence de deux chars différents, rappelant que le projet commun ne préfigure en rien la nature du char du futur, MGCS étant avant tout un système de systèmes avec un cloud de combat et des drones. Mais qui pour l’heure reste à l’état d’ébauche.
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  • La chute de Bachar el-Assad, un revers militaire pour la Russie en Méditerranée
    Dec 15 2024
    La chute éclair du régime de Bachar el-Assad constitue un revers immense pour la Russie qui possédait deux importantes bases militaires en Syrie : le port de Tartous et la base aérienne voisine de Hmeimim. La perte de ces deux emprises est un revers géopolitique pour le Kremlin, et pose la question de la présence militaire russe en Méditerranée. Samedi 9 et dimanche 10 décembre : trois frégates et un sous-marin russes quittent précipitamment le port de Tartous. Officiellement, compte tenu des soubresauts politiques syriens, c’est une mesure de sauvegarde, mais pour les observateurs, la manœuvre s’apparente plus à un sauve-qui-peut général : les Russes évacuent en urgence Tartous, leur seule et unique base navale en Méditerranée. Évacuation également de la base aérienne voisine de Hmeimim. Un naufrage spectaculaire, car les bases syriennes sont la clé de voute des ambitions militaires de Moscou en Méditerranée et au-delà l'Afrique, souligne Vincent Tourret de l’Université de Montréal.« La base qui hébergeait l'escadron méditerranéen, qui était une flotte détachée en fait de la flotte de la mer Noire russe, assurait en fait, sa reconnaissance en avant, c'était comme une sorte d'avant-poste si vous voulez, pour la dissuasion russe de façon générale et notamment pour menacer le flanc sud de l'Otan, explique l'universitaire. Et le second point, c'est effectivement la projection vers l'extérieur, notamment pour du matériel lourd. C'est un hub extrêmement pratique vers l'Afrique et donc vers les tentatives russes d'y créer des États satellites ou clients, notamment avec des groupes paramilitaires ou privés de type Wagner ou maintenant Africa corps ».La flotte russe, coupée de la Mer Noire depuis le début de la guerre en Ukraine et la fermeture des détroits turcs, était déjà isolée en Méditerranée, les rotations de navires s'effectuent depuis la flotte du Nord, obligeant les navires de guerre à de longs transits. Sans base navale, il sera impossible pour cette flotte de se maintenir en Méditerranée. Le Kremlin va donc faire feu de tout bois pour conserver Tartous analyse le directeur de recherche à l’Iris (Institut des Relations Internationales et Stratégiques) et diplomate Jean de Gliniasty. «Tartous est en plein réduit alaouite (région côtière dont est originaire le président déchu Bachar el-Assad). La base aérienne de Hmeimim est à 20 km de Lattaquié, donc c'est la zone que pour l'instant HTS (Hayat Tahrir al-Sham, groupe rebelle islamiste de la guerre civile syrienne, dirigé par Abou Mohammed al-Joulani, qui a pris le contrôle de Damas) n'a pas conquise et ça va être difficile. Je pense que ce n’est pas encore perdu pour les Russes. Ils doivent s'échiner, s'efforcer, de négocier de tous côtés pour essayer de garder cette base parce que c'est leur seule base en Méditerranée ». Quel point de chute pour la flotte russe en Méditerranée ?Premier port d’accueil : Tobrouk dans la Libye du Maréchal Haftar proche de Moscou, mais les infrastructures sont limitées et ne permettent pas l’entretien des navires. La flotte russe pourrait donc se tourner vers les ports algériens mieux équipés, mais cette réarticulation en urgence ne sera pas une mince affaire et l’image de la Russie en sort très abimée insiste Vincent Tourret : « Le coût le plus dur, il est surtout, je trouve, symbolique, parce que la Syrie, c'était la première victoire à l'époque, donc 2017, qui devait prouver au monde que la Russie était de retour dans les relations internationales. C'est un désaveu à nouveau de la puissance russe et un désaveu de sa capacité à stabiliser des conflits. La Syrie était censée être la vitrine d'une pacification à la Russe plus efficace, plus réaliste que les tentatives occidentales ». L’aventure syrienne de Moscou, abonde Jean Pierre Maulny chercheur à l’Iris, se solde par un immense revers. « Les Américains, ont eu l'Afghanistan dans les années 2000. Nous, on a eu Barkhane (Opération militaire française au Sahel 2014-2022) dans les années 2010. Eh bien eux, ils auront la Syrie dans les années 2010 - 2020, c'est-à-dire une opération militaire qui aboutit à un échec pour les Russes comme pour les Américains ou comme pour les Français. Ça, c'est quand même un enseignement qu'il faut retenir ».La Russie a donc momentanément perdu la main et se retrouve en grande difficulté dans la très stratégique mer Méditerranée.À lire aussiChute du régime en Syrie: quel avenir pour les bases russes, essentielles aux opérations en Afrique?
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