Épisodes

  • RDC: la guerre dans l’est du pays se joue aussi sur les réseaux sociaux
    Jan 31 2025

    En République démocratique du Congo, les membres du groupe M23 soutenus par le Rwanda ont pris le contrôle de nombreux quartiers de Goma cette semaine. Face à cette situation jugée préoccupante, la Communauté de développement de l’Afrique australe se réunit ce vendredi 31 janvier, à Harare au Zimbabwe. Ces affrontements s’accompagnent d’une guerre informationnelle sur les réseaux sociaux. Les infox se multiplient notamment à propos de l’implication de puissances étrangères dans le conflit.

    Alors que le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, est arrivé à Kigali après s’être rendu à Kinshasa, plusieurs publications mensongères affirment que la France aurait décidé de « soutenir militairement le Rwanda face à la RDC ». À en croire ce message activement relayé sur Facebook et TikTok, « trois avions militaires français, chargés de munitions, seraient en route vers Kigali et certains auraient déjà atterri ». Leur objectif serait de « faire tomber Goma coûte que coûte ». La photo qui accompagne ce post montre un A-400M Atlas, un avion de transport français, au sol, sur le tarmac d’un aéroport.

    Vérification faite, cette fausse information a été fabriquée de toutes pièces. La rumeur ne s’appuie sur rien de factuel puisqu’aucun avion militaire français n’a été vu à Kigali. De plus, la photo partagée sur les réseaux sociaux n’a rien à voir avec la situation en RDC. Grâce à une recherche par image inversée, on retrouve sa trace dans plusieurs articles de presse publiés en 2022. Elle a été prise sur la base de Calvi en Corse, et non au Rwanda. Ni l’armée française, ni l’armée rwandaise n’a d’ailleurs communiqué sur une quelconque livraison de munitions.

    « Aucun avion français ne transporte des munitions vers Kigali »

    Contacté par la rédaction de Balobaki, un média de fact-checking congolais, le porte-parole du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, a démenti ces allégations. « Aucun avion français ne transporte des munitions vers Kigali », a assuré Christophe Lemoine. La France a d’ailleurs fermement condamné l’offensive menée par le M23 et appelé les forces rwandaises a « quitté instamment » la RDC.

    Ces fausses accusations d’implications militaires visent également d’autres pays, à commencer par l’Afrique du Sud. Plusieurs publications, cumulant plus d’un million de vues, affirment notamment que les Forces de défense nationales sud-africaines auraient envoyé « quatre avions de combat en RDC pour soutenir l’armée congolaise ». Sauf qu’une nouvelle fois, c’est faux. Aucun chasseur sud-africain n’a été aperçu à Goma.

    Si la photo publiée sur les réseaux sociaux montre bien un escadron de Gripen, des avions de combat suédois que possède Pretoria, le cliché a été pris il y a plus de dix ans.

    Face à la viralité de cette fausse information, l’armée sud-africaine a publié un démenti sur ses réseaux sociaux.

    Un contexte propice à la désinformation

    Ces deux infox sont loin d’être les seules à circuler sur les réseaux sociaux. La situation en cours dans l’est de la RDC est particulièrement propice à la désinformation. Énormément d’images circulent, dont beaucoup sont sorties de leur contexte. Certains n’hésitent pas également à détourner l’image de certains médias, comme RFI, pour diffuser de fausses informations. Raison pour laquelle il faut rester prudent et penser à remonter à la source en cas de doute.

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  • Mythe ou réalité? Les risques associés aux smartphones près des bouteilles de gaz
    Jan 24 2025

    Serait-il dangereux d’utiliser son téléphone portable à côté d’une bouteille de gaz ? Cette croyance populaire, très ancrée en Afrique et ailleurs dans le monde, réapparaît régulièrement au gré des différents faits divers. Ces derniers jours, une vidéo partagée sur des groupes WhatsApp affirme montrer, à tort, une famille victime d’une explosion de gaz liée à l’utilisation d’un smartphone.

    C'est un auditeur tchadien qui nous a alerté sur la circulation de ces images choquantes. On y voit plusieurs adultes et des enfants, gravement brûlés, arriver dans la salle d’attente d’un hôpital. L’un d’entre eux, le corps ensanglanté, s’effondre sur le sol, inconscient. Le message qui accompagne cette vidéo l’assure : « Évitons le téléphone à côté de la bouteille de gaz. Regardez cette famille en sang jusqu’aux enfants ». À en croire le drapeau présent dans cette légende, la scène se passerait au Cameroun.

    Pour savoir ce que montre réellement cette vidéo, nous avons d’abord cherché à la géolocaliser en s’appuyant sur une plaque d’immatriculation visible sur l’un des véhicules stationnés devant l’hôpital. La combinaison des chiffres et des lettres ainsi que les éléments graphiques correspondent aux plaques de l’état de Rivers, dans le sud du Nigeria.

    Les causes réelles de l'explosion

    Pour confirmer cette piste, nous avons effectué plusieurs recherches avec les mots-clés, « gas », « explosion » et « Rivers ». Cela nous a permis de retrouver la trace de cette vidéo dans la presse nigériane et de confirmer notre géolocalisation. En croisant plusieurs articles provenant de médias nigérians fiables, on apprend que ces images font suite à une explosion mortelle chez un vendeur de gaz, à Port Harcourt, dans le quartier d’Oroazi, ce que nous a confirmé la rédaction de RFI en Hausa, à Lagos.

    En réalité, cette explosion n’est pas liée à l’utilisation d’un téléphone portable. Selon plusieurs témoignages, un homme aurait tenté de souder une bouteille de gaz qui fuyait, provoquant involontairement une explosion en chaîne. Le dernier bilan fait état de cinq morts et plus d’une dizaine de blessés. La légende qui circule sur WhatsApp est donc mensongère.

    Des risques minimes

    Sur le fond, est-il dangereux d’utiliser son téléphone portable à côté d’une bouteille de gaz  ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord préciser comment se produit une explosion. « Concrètement, pour qu’il y ait une atmosphère explosive, ce que nous appelons une atex, il faut un combustible, un gaz par exemple comme l’hydrogène, le butane ou le propane, et un comburant, l’oxygène de l’air. Si on a suffisamment de combustible et de comburant, on va avoir un mélange explosif. Pour que l’explosion se produise, il ne manque plus qu’une source d’inflammation. Cela peut être une étincelle électrique, une chaleur excessive ou une flamme par exemple », explique Olivier Cottin, responsable de l’unité Atex, au sein de la direction Incendies, dispersions, et explosions (IDE) de l'Ineris, l’institut national de l'environnement industriel et des risques.

    « Si les conditions d’utilisation sont normales, c'est-à-dire que la bouteille de gaz est en bon état et qu’il n’y a pas de fuite, alors il n’y a pas de danger immédiat à utiliser son téléphone portable à côté de cette bouteille, précise Olivier Cottin. Pour qu’il ait un risque, il faudrait une fuite dans un milieu confiné. Mais de la même façon, un téléphone en fonctionnement normal ne présente pas de risques. Il ne provoque ni étincelles ni chaleur excessive pouvant faire exploser une atmosphère explosive. Il faudrait donc également que le téléphone dysfonctionne pour enflammer une atex ».

    En conclusion, le risque zéro n’existe pas, mais si votre bouteille de gaz ne fuit pas et que votre téléphone fonctionne correctement, vous n’avez pas de souci à vous faire.

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  • Incendies de Los Angeles: quand des images détournées sèment la confusion
    Jan 17 2025

    À Los Angeles, les pompiers essayent toujours de contenir les flammes, plus d’une semaine après le début des incendies. Selon le dernier bilan, au moins 24 personnes ont trouvé la mort. Une catastrophe historique, marquée par un flot d'infox d’une rare intensité sur les réseaux. L’origine de ces incendies, le travail des pompiers, les rescapés, rien n’échappe à la désinformation, à tel point que certaines des images les plus partagées en ligne sont irréelles ou sorties de leur contexte.

    Si vous avez passé du temps sur les réseaux sociaux ces derniers jours, vous avez probablement été confronté à l’une de ces deux images aériennes, montrant une maison au toit rouge, prétendument épargnée par les flammes à Los Angeles. Tout le quartier semble avoir été détruit, sauf ces luxueuses résidences. Si les deux maisons se ressemblent, ce ne sont pas les mêmes. L’une est en bord de mer, l’autre en pleine ville.

    Les internautes qui partagent ces photos affirment qu’elles montreraient « la maison d’un croyant de Los Angeles, miraculeusement protégée par Dieu ». Un récit sur lequel plusieurs auditeurs nous ont alertés.

    Image détournée et générée par IA

    Vérification faîte, ces deux images n’ont rien à voir avec les incendies en cours à Los Angeles. La première photo est bien authentique, mais elle n’a pas été prise dans la cité des anges. Une recherche par image inversée permet de retrouver sa trace dans la banque d’images de l’Agence France Presse (AFP). On y apprend en légende qu’elle montre une maison dans le quartier de Lahaina, à la suite des incendies mortels à Hawaï, en août 2023. La résidence avait été épargnée notamment grâce à sa toiture en tôle épaisse et à l’absence de végétation à proximité.

    Concernant le deuxième cliché, si visuellement tout semble réel, l’image a en réalité été générée par une intelligence artificielle. Le seul moyen de s’en rendre compte consiste à faire une recherche par image inversée sur Google, puis d’aller dans l’onglet « À propos de l’image ». Un message apparaît alors indiquant « image créée avec l’IA de Google ».

    Comment Google sait-il que quelqu’un a généré cette image avec son intelligence artificielle ? Pour son outil de génération d’image, baptisé Imagen, la firme américaine utilise ce que l’on appelle des watermarks, des filigranes, invisibles à l’œil nu, mais identifiables par un logiciel. Ce tatouage numérique atteste donc de l’utilisation de l’intelligence artificielle, mais sans faire cette démarche de vérification, il est impossible de s’en rendre compte.

    Instrumentalisation complotiste et religieuse

    Cette image synthétique fait l’objet de nombreuses instrumentalisations. Religieuse d’abord, avec plusieurs messages parlant d’une intervention divine. Certains affirment, à tort, que cette maison appartenait à une famille chrétienne, d’autres à une famille musulmane.

    Et puis certains complotistes ont aussi diffusé cette image, assurant que l’incendie était volontaire et ne ciblait que certaines habitations. Deux récits trompeurs vus des dizaines de millions de fois sur les réseaux sociaux. Résultat, cette infox figure aujourd’hui parmi les images les plus vues concernant les incendies de Los Angeles. On est donc là face à un énième exemple de détournement de l’IA qui perturbe les perceptions d’un événement mondial et invisibilise les vraies images de la catastrophe.

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  • Comment vérifier une information en direct grâce à l'intelligence artificielle ?
    Jan 10 2025

    « Nous allons nous débarrasser des fact-checkers ». Cette déclaration du patron de Meta, Mark Zuckerberg, ce mardi 7 janvier, a suscité beaucoup d’inquiétude chez les spécialistes de la lutte contre la désinformation. Pendant que certains veulent faire disparaître le fact-checking sur les réseaux, d’autres essayent au contraire de faciliter l’accès à des informations vérifiées. C’est le cas de l'ONG La Réponse Tech qui a récemment lancé, Vera, un bot conversationnel de vérification.

    Utiliser l’intelligence artificielle pour permettre à tout un chacun de vérifier une information en temps réel. C’est la mission que s’est lancée le collectif citoyen La Réponse Tech en développant Vera, un agent conversationnel numérique, accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Concrètement, il suffit d’appeler le numéro de téléphone de Vera, +33 9 74 99 12 95 ou bien de lui envoyer un message sur WhatsApp, en lui demandant si telle information est vraie ou fausse.

    Pour cet exemple, nous avons volontairement posé une question sur une infox vérifiée par la cellule Info Vérif de RFI. Mais cette intelligence artificielle se base sur le travail de plusieurs centaines de sources fiables, sélectionnées par un comité d’experts et librement consultables.

    « À partir de la question posée par l’utilisateur, Vera va d’abord chercher si des rédactions de fact-checking ont traité le sujet. Si ce n’est pas le cas, elle va chercher la réponse auprès de 300 sites de médias reconnus comme fiables, avant d’en faire une synthèse et de la proposer en temps réel », explique son fondateur, Florian Gauthier. Techniquement parlant, Vera se base sur le modèle de langage GPT-4, développé par la société américaine Open AI.

    Aujourd’hui, Vera est utilisée par environ 700 utilisateurs uniques chaque semaine.

    Une IA modelée pour éviter les erreurs

    Comme tout outil basé sur l’intelligence artificielle, Vera n’est pas infaillible. Le risque d’erreur ou de réponse incomplète existe. Mais contrairement à des chatbots comme ChatGPT, Perplexity ou Claude, Vera n’a pas été pensée pour répondre coûte que coûte à la question posée. « Vera a l’interdiction totale, d’imaginer quoi que ce soit. Dès qu’elle va formuler une réponse, c’est que cette réponse a été donnée par une source fiable qui est toujours citée. Si Vera ne trouve pas la réponse dans sa base de données, ce qui arrive par moment, elle ne va pas chercher à inventer. Elle se contentera alors de préciser qu’elle n’a pas trouvé la réponse à cette question », détaille Florian Gauthier.

    Autre limite, la base de données ne peut pas être exhaustive. Il est donc possible que Vera vous réponde qu’elle ne sait pas même si le sujet a déjà été vérifié. Mais d’après nos essais, Vera est aujourd’hui le bot conversationnel le plus efficace pour vérifier une information en temps réel. À l’avenir, ses créateurs envisagent de rendre Vera multilingue, et de proposer gratuitement le service sur d’autres plateformes et réseaux sociaux.

    Lutter contre les discours complotistes

    Au-delà de permettre ce processus de vérification en temps réel, ce genre d’agent conversationnel pourrait également permettre de limiter, chez certains utilisateurs, l'adhésion aux théories complotistes. C’est ce que montre une étude récente publiée dans la revue scientifique Nature. « De nombreuses personnes qui croient fermement à des théories du complot apparemment infondées peuvent changer d’avis lorsqu’on leur présente des preuves convaincantes. (...) Les dialogues avec l’IA réduisent durablement les croyances complotistes, même parmi les plus fervents croyants », concluent les chercheurs.

    Pour Florian Gauthier, « l’intelligence artificielle est un super outil pour propager des fausses informations. Mais l’IA peut aussi être, au contraire, une véritable piste de réponse pour combattre la désinformation ».

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  • Gaza sur les réseaux sociaux, de l’image artificielle sur de réelles atrocités
    Jan 3 2025
    De plus en plus simples et performants, les modèles de synthèse d'image permettent la diffusion massive de contenus artificiels, relayés comme tels mais pas seulement. Ils participent aussi à la confusion dans des conflits difficiles à couvrir pour les journalistes, menacés dans l’exercice de leur métier. À côté des véritables clichés témoignant des atrocités commises à Gaza, l’IA vient perturber la perception de la réalité factuelle. L’image suscite l’indignation. Elle montre - au premier plan - un homme âgé sous perfusion, pieds et torse nus, debout au milieu des gravas, avec - à l'arrière-plan - un char de combat se détachant sur fond de bâtiments détruits un peu flous. Les comptes qui partagent cette image sur plusieurs réseaux sociaux, Instagram, Facebook et X indiquent qu’il s’agit d’un vieillard sorti de force par les soldats israéliens lors de l’assaut mené il y a une semaine tout juste contre l’hôpital Kamal Adwan, dernier grand hôpital du nord de Gaza. Relayée dès lundi par une influenceuse et activiste pro-palestinienne suivie par plus de 300 000 comptes sur X, le cliché suscite de nombreuses réactions contre une opération militaire israélienne qui a brutalement mis hors d’état de fonctionner l’un des derniers hôpitaux de Gaza. Pourtant, cette image censée représenter une situation réelle, ne l’est pas. Création numérique trompeuseUne recherche d’image inversée permet de retrouver la première occurrence de cette image. Elle provient du compte Instagram d’un militant pro-palestinien, qui se présente comme un artiste de design numérique. Il ne s’en cache pas, ses images portent toutes la même signature, mentionnant une création d’art visuel. On découvre d’ailleurs une autre version de la scène. Le vieil homme est vu de dos, toujours devant le même char. Sur le bitume devant lui sont peints en rouge les mots « Dirty World » et la photo est barrée d’un slogan : « forced extermination », on voit aussi la signature du concepteur de l’image, en haut à droite et en bas à gauche. Il ne s’agit donc pas d’une photo à proprement parler. L’homme que l’on voit n’existe pas, c’est une composition numérique avec des éléments de décor fictifs. Le char est placé là, comme un élément du décor. Mais nombre de publications ont relayé cette image d’un réseau social à l’autre, en réduisant le cadre et du coup, en escamotant la signature. De toute façon, avec ou sans logo, en lisant les commentaires, on s’aperçoit que beaucoup d’internautes pensent avoir affaire à une image authentique, alors qu’il n’en est rien. Altération du réelLe concepteur de l’image publie sur Instagram un résumé de la situation plutôt factuel sans dire que l’illustration choisie, elle, ne l’est pas. L’intention vise manifestement à alerter l’opinion, à la suite de ce raid de l’armée israélienne qui a bel et bien eu lieu et qui a abouti à ce que les patients de l’hôpital - certains dans un état critique - soient sortis du bâtiment sous la contrainte. Or, à part quelques images du personnel soignant et du docteur Abou Safiya arrêtés par l’armée israélienne, on n’a quasiment pas vu ce qui était advenu des patients. À l'exception d’une vidéo diffusée sur la chaîne de télévision Al Jazeera, montrant des femmes et des enfants assis dans des ambulances lors de leur transfert vers l’hôpital indonésien. Leur situation est réellement dramatique, car le système de santé à Gaza est véritablement en ruine, mais l’image du vieil homme à la perfusion, seul face à un char ne rend pas compte de la situation réelle. À lire aussiGuerre Israël-Gaza: «Un système sanitaire anéanti», la santé des Gazaouis en périlQuand l’image artificielle sert la propagande israélienneLe paradoxe, c’est qu’en publiant et en relayant des images non authentiques même lorsqu’elles témoignent d’une réalité, on favorise la mise en doute des véritables photos, qui - elles - sont prises dans des conditions extrêmement difficiles. L’image du vieillard à la perfusion n’a pas circulé de façon virale. Elle a vite été retirée de X par l’influenceuse qui avait contribué dans un premier temps à sa diffusion. Mais d’autres internautes s’en sont emparés. Dont un militant pro-israélien, profitant de l’occasion pour alimenter le doute sur le sort des gazaouis. Immanquablement, sur les réseaux sociaux, la création échappe vite à son créateur. Le factuel relégué au second plan, la désinformation s’insinue. La nécessité de « documenter » le conflitLa manœuvre éclipse une autre réalité de ce conflit. À Gaza, les journalistes sont empêchés de travailler, victimes des bombardements quand ils ne sont pas volontairement ciblés et interdits sur le terrain. Cette difficulté ne justifie pas cependant l’emploi de fausses images dans la ...
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  • Égypte: de fausses rumeurs de manifestations agitent les réseaux sociaux
    Dec 27 2024

    En Égypte, de fausses rumeurs de soulèvement populaire sont devenues virales sur les réseaux sociaux. Après la chute du dictateur syrien Bachar el-Assad, certains affirment, à tort, que le peuple égyptien serait en train de renverser Abdel Fattah al-Sissi. En réalité, aucune manifestation anti-régime n’a eu lieu ces derniers jours en Égypte. Les images partagées sont sorties de leur contexte.

    La vidéo la plus populaire a été vue plusieurs millions de fois ces dernières heures. On y voit des manifestants réunis de nuit, dans une rue commerçante. Certains tentent de bloquer la circulation, d’autres scandent : « le peuple veut faire tomber le système », un slogan emblématique des révolutions arabes de 2011. Les comptes qui partagent ces images parlent de « manifestations en cours au Caire pour demander le renversement du régime d'Abdel Fattah al-Sissi ».

    Vérification faîte, ces images sont datées. Grâce à une recherche par image inversée (voir ici comment faire), nous avons retrouvé un reportage de la chaîne de télévision arabe, Al Araby, publié sur Facebook en 2019. On y retrouve plusieurs extraits de manifestations filmés dans toute l’Égypte, dont ces images présentées, à tort, comme étant récentes.

    Cette vidéo remonte donc au mouvement de contestation anti-régime qui avait éclaté dans le pays en septembre 2019. À l’époque, l'homme d’affaires exilé en Espagne Mohamed Aly avait appelé à manifester, accusant Abdel Fattah al-Sissi de corruption. Ces derniers jours, aucune manifestation anti-régime n’a eu lieu en Égypte.

    Détournement de la contestation de 2019

    Une autre vidéo virale montre des manifestants en train de déchirer un portrait d’Abdel Fattah al-Sissi, en pleine rue. La légende évoque « des manifestations antigouvernementales au Caire, en Égypte ». Mais contrairement à ce que veut faire croire l’auteur de ce tweet, ces images vues des centaines de milliers de fois ne sont pas récentes.

    En faisant une recherche par mots clés, nous les avons retrouvées dans un article publié cette fois par Al Jazeera, le 21 septembre 2019. Le média évoque des manifestations dans les villes de Damiette et de Mansoura.

    On retrouve donc le même mode opératoire. Des utilisateurs rediffusent des vidéos datées de cette période de contestation en septembre 2019 et les publient telles quelles, avec une légende mensongère ou volontairement imprécise. Au total, la cellule Info Vérif de RFI a repéré près d’une dizaine de vidéos ainsi sorties de leur contexte.

    Désinformer pour modifier les comportements

    Si on ne sait pas précisément qui est derrière cette campagne de désinformation, l’analyse des comptes à l’origine de ces infox met en lumière des profils variés. Nous avons identifié des comptes égyptiens opposés au régime en place, des comptes pro-russes habitués à désinformer au Moyen-Orient, ainsi que des comptes pro-palestiniens. Quand on regarde les chiffres, on peut dire que cette campagne est relativement efficace puisque ces fausses informations ont cumulé des millions de vues en seulement quelques jours sur X, Facebook et TikTok.

    Ces comptes cherchent à raviver artificiellement la flamme de la contestation en Égypte. Une chose est sûre, leurs infox parviennent au moins à semer le trouble, comme le montrent les commentaires d’internautes qui tombent dans le piège.

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  • Entre le Mali et la Mauritanie, la désinformation attise les tensions
    Dec 20 2024
    Au Mali, l’armée et ses supplétifs russes de Wagner ont fait une quinzaine de prisonniers lors d’une opération à la frontière mauritanienne, le 10 décembre 2024. Des Mauritaniens ont été arrêtés sur le sol malien, à Laghdaf, près de Fassala, avant d’être libérés. Ce nouvel incident dans une zone frontalière parfois disputée n’a pas tardé à être instrumentalisé. Dans un contexte déjà tendu entre les deux voisins, la désinformation attise encore davantage les tensions. Ce mardi 17 décembre, notre rédaction à Dakar nous alerte. Une vidéo publiée sur TikTok, affirme, à tort, que l’armée mauritanienne aurait réagi à ces arrestations en « bombardant un poste militaire malien à Laghdaf ». Selon cette infox, l’attaque aurait causé « la mort de 69 soldats maliens et mercenaires russes ». À l’image, on voit une explosion avec des flammes de plusieurs dizaines de mètres. Cette scène, impressionnante, a été filmée de nuit, par un témoin situé à une vingtaine de mètres de l’incendie. En réalité, ce récit a été fabriqué de toutes pièces. L’armée mauritanienne n’a pas attaqué le Mali. Il n’y a eu aucun bombardement, ni aucun mort. Il n’y a d’ailleurs pas de poste militaire malien dans la zone. Du côté des images aussi, il y a manipulation. La vidéo n’a pas été tournée à la frontière entre les deux voisins, mais dans la capitale, Bamako. La scène se passe dans le quartier Faladié, juste en face de l’école de la gendarmerie, bien loin de la Mauritanie.On sait que plusieurs camions citernes ont déjà pris feu à cet endroit, notamment le 30 octobre 2024. Cette vidéo est donc liée à un accident sans le secteur.Géolocalisation des imagesPour savoir ce que montre réellement cette vidéo, nous avons commencé par la géolocaliser. Pour ça, nous nous sommes appuyés sur plusieurs commentaires évoquant une scène possiblement filmée à Bamako, avant d’identifier les éléments visuels les plus marquants : un panneau publicitaire, une route bitumée de deux voies et des arbres visibles en arrière-plan.Sur des logiciels de cartographie satellite, comme Google Maps ou Yandex Maps, nous avons cherché ces éléments, sans succès. Nous avons donc fini par utiliser Mappilary, une plateforme collaborative qui permet à n’importe qui de prendre des photos d’une route, ou d’un centre-ville et de les rendre accessibles gratuitement au monde entier. Grâce à ça, nous avons pu arpenter les grands axes de la capitale. Au bout de quelques heures, nous avons fini par retrouver notre panneau et nos arbres, sur la RN7, après la Tour de l’Afrique. Désinformer pour attiser les tensionsÀ l’origine de cette infox, on retrouve un mystérieux compte TikTok suivi par plus de 250 000 personnes. Il publie presque quotidiennement des vidéos sorties de leur contexte, en affirmant, à tort, que la Mauritanie attaquerait ou envahirait le Mali. Des infox souvent virales puisque ses 31 vidéos cumulent plus de 25 millions de vues.Cette désinformation est particulièrement nocive au vu des relations déjà tendues entre les deux voisins. Les journalistes locaux sont quotidiennement confrontés à cette réalité. « La manipulation de l’information expose les populations à des risques, souligne Kissima Diagana, directeur du site InitiativeNews, présent lors du dernier webinaire du Timbuktu Institute. D’autant plus dans un pays comme la Mauritanie où il y a différentes communautés face à un pays en crise au Mali, également exposé à des tensions communautaires. C’est donc facile de créer des tensions entre les deux pays. »Ces tensions entre les deux voisins sont déjà largement palpables sur les réseaux sociaux.À lire aussiNon, cette vidéo ne montre pas la Mauritanie sur le point d’attaquer le Mali
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  • Syrie: les fausses rumeurs sur le sort de Bachar el-Assad
    Dec 13 2024
    Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad en Syrie, chassé par une coalition de rebelles islamistes, de nombreuses fausses informations circulent à son propos. Ces rumeurs cumulent des millions de vues et sèment le trouble sur la fuite de l’ex-dictateur syrien. L’une des dernières infox en date affirme que Bachar el-Assad aurait officiellement démissionné, exprimant des regrets avant de fuir son pays. Cette affirmation repose sur une bande son diffusée sur les réseaux sociaux. On pense y entendre l’ex-dictateur déclarer « Chers citoyens, dans les circonstances difficiles que traverse le pays, et en raison de l'état du peuple syrien, moi, Bachar el-Assad, après avoir pleinement reconnu ma responsabilité dans ce qui s'est passé dans le pays au cours des dernières années, j'ai décidé de renoncer à la fonction de président de la République. (...) J'ai signé des décrets récents exigeant le retrait des forces étrangères et des milices, et j'appelle ces forces à se retirer du territoire syrien. Enfin, je présente mes excuses au grand peuple syrien pour mes actions ».En réalité, cet enregistrement écouté des millions de fois n’est pas réel. Bachar el-Assad n’a ni annoncé sa démission, ni présenté ses excuses. En scriptant la bande son et en faisant des recherches par mots clés, nous avons identifié une vidéo publiée sur YouTube, le 2 septembre 2023. On y retrouve exactement le même audio de 56 secondes.En légende, il est indiqué que cet audio a été généré via l’intelligence artificielle « à des fins de divertissement », ce que confirment les détecteurs d’IA que nous avons utilisés.L’avion de Bachar el-Assad victime d’un crash ?Une autre infox qui revient avec insistance avance que l'ex-dictateur syrien serait mort durant sa fuite en avion. Selon les internautes à l’origine de cette rumeur, un avion-cargo russe, transportant Bachar el-Assad, se serait crashé au nord de la Syrie. Certains assurent, images à l’appui, que l’appareil aurait été abattu par les rebelles islamistes. En réalité, tous les clichés présentés comme des preuves sont sortis de leur contexte. Nous avons identifié des images provenant des États-Unis, d’Inde, mais jamais de Syrie.Si les données de vol étrange d’un Iliouchine-76 en partance de Damas ont bien semé le doute, rien ne permet de dire qu’un avion s’est crashé, ni que Bachar el-Assad figurait parmi les passagers. Entre l’ancienneté de l’appareil et le brouillage GPS dans la zone, les données du transpondeur sont à prendre avec précautions, comme le rappelle la plateforme de tracking en ligne, FlightRadar24. Enfin, aucune carcasse d’avion n’a aujourd’hui été retrouvée sur les prétendus lieux du crash.Des découvertes farfelues dans sa résidence ?Un flot de fausses informations vise aussi les découvertes réalisées dans l’ancienne résidence de Bachar el-Assad, pillée par des civils et des rebelles. Les images authentiques montrant des dizaines de voitures de luxe, des œuvres d’art, des écrans géants, ont fait le tour du monde. Dans ce contexte, certains ont saisi l’occasion pour désinformer et faire du clic. À en croire leurs publications, le parchemin d’une torah vieille de plus de 500 ans, une collection de films pour adultes et des milliers de lingots d’or auraient aussi été retrouvés.Vérifications faîtes, l’exemplaire de la Torah a été filmé en Tunisie en 2017. La collection de films X date d’une vente aux enchères en 2021, en Australie. Quant aux lingots d’or, ils ont été générés par intelligence artificielle. Ces trois infox ont été vues des millions de fois ces dernières heures.
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