Épisodes

  • L’IA peut-elle être bonne pour l’environnement?
    Feb 6 2025
    Le sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle se déroule à Paris lundi et mardi prochains. Un des enjeux de ce sommet, c'est d’évoquer la possibilité d’une IA plus sobre et durable. L’IA est un outil formidable pour aider à préserver l’environnement, mais les besoins croissants en énergie et en matières premières pour son développement font en même temps courir un risque pour la planète. Le numérique dans son ensemble a un impact sur l'environnement évalué à 4% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. L'équivalent de deux fois les émissions d'un pays comme le Canada chaque année.Avec ses data center gigantesques, ses micro puces high-tech qui chauffent fort en fonctionnant et qu'il faut climatiser, l'Intelligence artificielle ajoute à cet impact que ce soit en termes d’électricité, de consommation d'eau et de minerais rares pour la fabrication des micro puces.Il est compliqué de chiffrer précisément cet impact, principalement parce que OpenAI, maison mère de ChatGPT, Google, Meta et consorts, tout comme le grand fabricant de puces électroniques Nvidia cachent certaines données. Les géants de la tech reconnaissent cependant que l’IA, toujours plus gourmande en calculs informatiques, entraîne une hausse importante des émissions de gaz à effet de serre. Microsoft annonce +30 % d'émissions entre 2020 et 2023 et Google + 50% sur la même période.Une croissance exponentielleD'un autre côté l'Intelligence artificielle peut avoir tout un tas d'applications pour aider à limiter notre impact sur l'environnement : optimiser l'utilisation des ressources et aller vers plus de sobriété avec l'agriculture de précision, l’amélioration de l'efficacité des véhicules, ou même en aidant à créer de nouveaux matériaux pour des bâtiments mieux adaptés au changement climatique... les promesses sont nombreuses.Cette multiplication des projets concerne d’ailleurs tous les secteurs, « le nombre de microprocesseurs utilisés est en croissance exponentielle, la consommation énergétique également, donc les émissions de gaz à effet de serre et la consommation de ressources naturelles aussi », calcule Aurélie Bugeau, professeure à l’université de Bordeaux et spécialiste de l’impact environnemental du numérique. L’Agence internationale de l’énergie prévoit d’ailleurs un doublement de la consommation électrique mondiale pour alimenter les data center d’ici à 2026 (qui comptent les données de l’IA, mais aussi toutes les autres données numériques).Dans un pays comme l'Irlande par exemple, selon les autorités, d'ici à l'année prochaine, les besoins en électricité pour les centres de données seront équivalents à l'ensemble de la consommation électrique de tous les logements du pays. « Forcément, il n'y aura pas de l'électricité pour tout. Donc, il va falloir faire un choix : construire une maison ou un centre de données ? » estime Maxime Efoui-Hess, responsable du programme numérique au Shift Project. En France, si la tendance actuelle se poursuit, d’ici 2050, les besoins en électricité pour le numérique « atteindront 20 à 30 TWh de plus que ce que prévoit le gestionnaire des réseaux électriques RTE. C’est l’équivalent de la consommation de la région Bretagne. Autrement dit, il va falloir trouver le moyen de caser une Bretagne en plus sur la carte de France, si on veut vraiment développer l’IA. »« Il n’y a pas de fatalité au gigantisme de l’IA »Aux États-Unis, Microsoft a annoncé en septembre dernier la réouverture d'une centrale nucléaire pour alimenter ses centres de calculs. D’autres opérateurs songent également à investir dans de petits réacteurs nucléaires.Pour Maxime Efoui-Hess, sans cadrage, l’IA risque également de préempter d’autres ressources naturelles : l’eau, utilisée pour refroidir les centres de calculs et pour fabriquer les puces électroniques et les minerais rares, eux aussi utilisés dans la fabrication de ces puces. Des tensions peuvent apparaître localement autour de la ressource en eau, et « il risque aussi d’y avoir une compétition avec la transition écologique » alerte l’ingénieur, car ces minerais sont également essentiels à la fabrication des batteries électriques et des éoliennes par exemple.« Il n’y a pas de fatalité au gigantisme de l’IA », tempère Sylvain Waserman, PDG de l’Ademe, l’Agence de la transition écologique en France ».DeepSeek, l'IA chinoise qui a pris de court la Silicon Valley avec son modèle beaucoup moins gourmand en énergie et en matières premières il y a deux semaines, a en effet montré qu'il est possible de faire aussi bien avec moins. « Cela risque de ne pas suffire à compenser ni même limiter l'impact de l'IA » qui s'invite dans tous nos équipements et dans tous les secteurs, estime Maxime Efoui-Hess.Une intelligence artificielle frugalePour éviter ...
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  • Pourquoi les navires de pêche industriels doivent être bannis des aires marines protégées ?
    Feb 5 2025
    La conférence des Nations unies sur l'Océan doit se dérouler à Nice du 9 au 13 juin prochain. La France en tant qu'hôte de la conférence, et en tant que première puissance maritime européenne et seconde au niveau mondial a une responsabilité particulière selon les principales ONG de défense de l'océan en Europe qui adressent une lettre ouverte au président français Emmanuel Macron pour lui demander d'interdire les pratiques de pêche les plus destructrices dans les aires marines protégées. Aujourd'hui, un tiers des populations de poissons dans le monde sont surexploitées et ce n'est qu'une moyenne. En Méditerranée par exemple, surpêche concerne plus de 80 % des populations de poissons selon l'Agence européenne de l'environnement. La pêche industrielle est l'activité qui a eu l'impact le plus important sur la biodiversité marine ces 50 dernières années selon l’IPBES et les scientifiques sont clairs : les aires marines protégées sont l'un des meilleurs outils qui existe pour protéger et restaurer cette biodiversité.Pourtant, même si l'UICN, l'Union internationale pour la conservation de la nature qui fait autorité sur la question, spécifie qu'une aire marine protégée, pour qu'elle soit efficace, doit exclure les pratiques de pêches industrielles, ce type de pêche reste paradoxalement autorisée dans la plupart des zones protégées.« Moins de 0,1 % des aires marines protégées françaises le sont vraiment »En réalité, il existe une multitude d'aires naturelles aux statuts variés, 17 statuts différents rien qu'en France, et elles n'ont pas toutes le même degré de protection. Certaines ont une protection « stricte », c’est-à-dire qu’aucune activité de pêche n’est autorisée, d’autres sont « hautement » protégées, seule la pêche artisanale y est permise. Ce sont ces aires marines protégées que les ONG plébiscitent. Les autres statuts permettent toutes sortes d’exploitation marine, certaines autorisent même l'extraction de pétrole ! Pas vraiment rassurant en termes de pollution et de protection de l'environnement.La France se targue d'avoir déjà atteint les objectifs internationaux de protection de 30 % de son espace maritime mais selon Zoé Lavocat responsable aires marines protégées chez BLOOM, « moins de 0,1 % des aires marines protégées françaises correspondent aux critères établis par les scientifiques de protection de la biodiversité ». Le pays est en fait un des mauvais élèves en Europe estime la militante. « Le Talus du Golfe de Gascogne, qui est une aire marine protégée sur la côte atlantique française, est celle qui est la plus chalutée d’Europe. Il y a aussi l’aire marine supposément protégée du bancs des Flandres au nord de la France, qui est en réalité ravagée par des méga-chalutiers. Je parle ici de chalutiers de 100 mètres de long qui pêchent des centaines de tonnes chaque jour. »Le chalutage de fond dans le viseur des ONGCe que les ONG dénoncent, c’est la taille, et donc la capacité énorme de pêche des navires autorisés à pratiquer dans les aires marines protégées, mais surtout leur technique de pêche. Le chalutage de fond est particulièrement destructeur. Ces bateaux tirent un filet qui racle les fonds marins. Ils embarquent tout, y compris des espèces qui n'ont aucun intérêt marchand. Le fait de racler le sol remue par ailleurs les sédiments qui sont des stocks de carbone. Ils permettent donc de libérer du CO2, principal gaz à effet de serre. Le chalutage de fond est donc mauvais pour le climat et pour la biodiversité.En suivant les balises satellites des plus gros chaluts, l'ONG a déjà comptabilisé plus de « 6900 km2 de fonds marins ravagés par le chalutage de fond dans les aires marines protégées françaises » rien que depuis le début de l'année.Ce type de pêche est par ailleurs « largement subventionné » dénonce Zoé Lavocat et crée certes des emplois, « mais pas autant que si ces navires étaient remplacés par de plus petits bateaux de pêche artisanale ». Protéger certaines zones en mer n'est pas néfaste pour les pêcheurs au contraire, il est prouvé que les stocks de poissons se reconstituent et son plus gros et les prises dans les eaux avoisinantes sont meilleures.
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  • Comment rendre l’alimentation saine et durable ?
    Feb 4 2025

    Du champ à l'assiette, les systèmes alimentaires génèrent près d'un tiers des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. L’agriculture industrielle épuise la nature et pollue. Elle incite à une trop grande consommation de viande, à la production de déchets et au gaspillage. Il existe pourtant des leviers d'action pour rendre l’alimentation saine et durable. À condition que tout le monde s’y mette.

    Les systèmes alimentaires dans leur ensemble sont à bout de souffle. Le modèle agricole dominant, basé sur la productivité et les produits chimiques n'est pas durable. Le secteur de l’élevage est responsable à lui seul de 12 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial selon la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation, à cause des rots et des pets de vaches notamment. La production d’engrais chimiques, à partir d’énergies fossiles, pèse également dans le bilan carbone de l’agriculture, tout comme la déforestation massive pour produire les aliments pour le bétail, qui affecte les puits de carbone naturels en plus de la biodiversité. Les pesticides polluent l’environnement et l'irrigation représentent 70 % de la consommation d'eau douce mondiale.

    À l’autre bout de la chaîne, dans l’assiette, la malbouffe entraîne obésité, cancers, diabète… Alors qu'en parallèle, une personne sur 11 souffre de la faim dans le monde.

    Heureusement, il existe des leviers pour faire évoluer nos systèmes de production et d’alimentation.

    Les agriculteurs peuvent diversifier leur production dans chaque ferme, multiplier les types de semences pour favoriser la biodiversité, notamment aller vers l'agroécologie pour résister aux effets du changement climatique et limiter les besoins en produits chimiques, réutiliser les fumiers pour enrichir le sol au lieu de les jeter à la mer et polluer l'eau.

    L'industrie et la publicité ont également un grand rôle à jouer, en mettant en avant les produits sains, locaux, issus d’exploitations responsables et surtout avec des prix bas pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Le prix est d'ailleurs le principal argument d'achat pour la plupart des gens qui vont faire leurs courses au supermarché.

    Autre levier : faire attention au gaspillage. Quelque 30 % des superficies agricoles du monde servent chaque année à produire de la nourriture gaspillée par les consommateurs ou que l’industrie égare, entre deux étapes de transport ou de transformation.

    Il va aussi falloir se résoudre à moins manger de viande et de produits laitiers dont la production impacte tant la planète, en particulier dans les pays riches et à revenus intermédiaires. Chaque Français consomme plus de 84 kg de viande par an ; aux États-Unis c'est 127 kg par personne et avec la hausse du niveau de vie en Chine, la consommation de viande a bondi à 65 kg par personne et par an aujourd'hui. À l'autre bout du classement, c'est en Éthiopie, avec un peu plus de 5 kg de viande par personne chaque année, qu'on en mange le moins.

    ONG et chercheurs plaident pour manger moins de viande, mais mieux, en favorisant les viandes de qualité, issues d’élevages responsables et en valorisant les repas à base de légumineuses.

    Ce changement ne doit pas reposer sur les consommateurs seuls, et l'action collective de toute la chaîne de production est cruciale pour réussir, y compris celle des pouvoirs publics et malgré les très puissants lobbys de l'industrie agroalimentaire qui n'ont pas intérêt au changement et qui usent de tout leur poids pour convaincre les responsables politiques. S’il y a eu de grandes avancées en Europe par exemple avec le Pacte vert, on voit depuis plusieurs mois un fort recul de l'ambition européenne pour rendre l'agriculture et l'alimentation saines et durables.

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  • Comment déceler (et contrecarrer) l'écoblanchiment?
    Feb 3 2025
    Lorsqu'un produit ou une entreprise se présente avec une image responsable et soucieuse de l’environnement alors que ça n'est pas le cas, que c'est simplement une façade écologique destinée à séduire les consommateurs, c'est du greenwashing ou écoblanchiment en français. Une pratique marketing largement répandue mais qui est de plus en plus souvent ciblée par la justice et les ONG environnementales. Peut-être avez-vous déjà été séduit, voire rassuré, par un produit « Bon pour la planète ! », « Respectueux de l’environnement » ou même « Biodégradable », « Recyclé » ou « Naturel ». C’est bien normal, ces messages sont justement destinés à une population de plus en plus soucieuse de préserver la planète, pour les inciter à acheter. Près de trois Français sur quatre affirment en effet changer leur manière de consommer pour réduire leur impact environnemental, selon une étude de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes.Un marketing trompeur qui freine la transition écologiqueEt pourtant dans bien des cas, ce marketing est trompeur : c'est du greenwashing. Un problème qui va au-delà de l'arnaque au consommateur, car cela prouve que les entreprises ne font pas les avancées nécessaires, elles font juste semblant, c'est donc un frein plus global à la transition écologique.Concrètement, le greenwashing peut être assez sournois comme lorsque la couleur verte est utilisée dans un logo. Notre cerveau pense alors que la marque est écolo. « C’est aussi le cas de cette publicité de voiture à hydrogène avec des éoliennes et des barrages hydroélectriques en fond, faisant penser que l'hydrogène est une énergie propre, alors que l'immense majorité de l'hydrogène est aujourd'hui produit à partir d'énergies fossiles », explique Axel Denis, auteur du livre « Alerte greenwashing » publié aux éditions Eyrolles. « Cela peut donc être une information totalement fausse ».Des techniques de communication bien rodéesCela peut aussi être une information floue, non étayée, quand un emballage est « fabriqué en matière recyclée » mais que la part de matière recyclée est en réalité très faible. Pour convaincre le consommateur, les marques n’hésitent pas également à s’attribuer des labels prétendument responsables. Il existe plus de 230 labels de ce type au sein de l’Union européenne. La Commission européenne pointe d’ailleurs du doigt « leur degré très variable de transparence ».« Autre exemple, reprend Axel Denis, quand une célèbre entreprise de pétrole fait toute une publicité pour dire qu'elle est leader sur les énergies renouvelables alors que plus de 95 % de ses investissements vont dans les énergies fossiles polluantes ». Ici la stratégie consiste à attirer l’attention du consommateur sur une partie dérisoire de l’activité de l’entreprise en omettant de parler de l’impact réel et plus global de l’ensemble de ses activités.En France la loi Climat et résilience de 2021 punit le greenwashing, qui est désormais considéré comme une pratique commerciale trompeuse.À lire aussi«Greenwashing»: les eurodéputés s'attaquent aux publicités trompeuses de certaines entreprises S’il peut être compliqué pour un simple particulier de porter plainte face à de puissantes multinationales, plusieurs ONG aux reins solides s’emparent de ce nouvel outil. « Des procédures sont en cours, notamment contre New Balance et Adidas pour des allégations concernant le pourcentage de matériaux recyclés dans leurs produits ». écrit Axel Denis. Coca-cola qui assurait « zéro déchet d'emballage » pendant les JO et qui versait simplement en coulisse ses boissons contenues dans des bouteilles en plastique dans des verres recyclables, est également visé. C’est aussi le cas de Total énergies, plus gros pollueur de France, et sa communication sur sa prétendue « neutralité carbone ».Pour l'instant la justice n’a prononcé que très peu de décisions et les affaires suivent leur cours. En 2008 Monsanto a tout de même été condamné « pour pratiques commerciales trompeuses en raison des mentions environnementales présentes sur les étiquettes de son produit phare, le pesticide Roundup. L’amende délictuelle s’élevait seulement à 15 000 euros mais elle était accompagnée d’une publication de la décision dans les médias, ayant un impact sur l’image de marque de la société », écrivent les auteurs « d’Alerte greenwashing ». Le montant peut sembler dérisoire, mais pour Axel Denis « le risque pour les entreprises n’est pas forcément juridique, mais plutôt pour leur réputation. Les médias et les réseaux sociaux relaient ces informations, avec des actions derrière de boycott par exemple. C’est ce qui fait le plus peur aux entreprises : une image dégradée et derrière une baisse de chiffre d’...
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  • Quel a été l’impact du cyclone Chido sur la biodiversité marine?
    Jan 30 2025

    À Mayotte, un peu plus de six semaines après le passage du cyclone qui a fait au moins quarante morts et ravagé l’ensemble de l’archipel, les agents du Parc naturel marin de Mayotte effectuent les premières plongées sous-marines pour évaluer les dégâts dans l’un des plus grands et des plus rares lagons fermés du monde.

    Mayotte est entouré d’un double récif corallien, avec un récif barrière qui ferme quasiment le lagon et un deuxième récif dit frangeant, c’est-à-dire relié à la terre dans des eaux peu profondes. D’après Météo France, lors du passage du cyclone, les vagues mesuraient neuf mètres avant de franchir le récif barrière. Elles ne faisaient plus que quatre à cinq mètres une fois ce dernier franchi. Puis le récif frangeant a lui aussi atténué l’ampleur des vagues et enfin la mangrove a joué son rôle de protection de la Côte. Selon les spécialistes, les dégâts sur terre auraient été plus dévastateurs sans ces deux écosystèmes.

    Les récifs ont subi de plein fouet l’impact du cyclone Chido

    Les récifs de la partie Est de l'île, celle par où le cyclone est arrivé, ont été particulièrement touchés. Mais il y a eu un facteur aggravant. En 2024, Mayotte a subi les effets du phénomène climatique El Nino. Avec le réchauffement de l’océan et son acidification, le récif corallien a subi un épisode de blanchissement qui l’a fortement fragilisé. Yoan Doucet est le chef de service ingénierie du Parc Naturel Marin de Mayotte: « En mettant une première fois la tête sous l'eau, on a des zones qui sont particulièrement bien préservée et d'autres où il n'y a plus rien alors qu'avant il y avait une richesse, une biodiversité assez importante. Et sur le phénomène El Nino de l'année dernière, on avait pu mesurer juste avant l'arrivée du cyclone, l'impact du blanchissement corallien dû à cet effet et on avait estimé une mortalité moyenne de 35% des coraux qui étaient présents, mais aussi la fragilisation d'un bon nombre d'entre eux. Il est donc possible que derrière, avec le passage du cyclone Chido, des récifs qui étaient déjà fragilisés n'aient pas pu résister à l'impact de Chido ».

    Certains lieux sous-marins iconiques de Mayotte ont été durement éprouvés, comme le Tombant des Aviateurs, ou « l'extérieur de la Passe en S ». Côté faune, les espèces mobiles comme les poissons, les mammifères, et les cinq espèces de tortues que compte le lagon, ont pu se mettre à l'abri. En revanche précise Yoan Doucet, elles ont perdu leur habitat. Cet écrin de biodiversité qu’est Mayotte a donc payé un lourd tribut lors du passage de Chido.

    Des décennies, pour reconstituer ce milieu marin

    Reconstituer ce milieu est essentiel pour les spécialistes et pour plusieurs raisons : reconstituer la barrière protectrice, protéger la biodiversité et ainsi les ressources alimentaires et économiques. Pour cela il faudra la collaboration de l’ensemble de la population pour protéger le lagon des menaces qui pèsent sur lui en temps normal, comme l’envasement provoqué par l’agriculture et les constructions, le braconnage et la gestion des déchets. Un appel aux citoyens pour voir revivre un trésor mondial de biodiversité.

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  • Pourquoi préserver les vieux animaux?
    Jan 29 2025

    Pendant longtemps, nous les avons négligé, pensant que l’âge avançant, ils contribuaient moins au bien-être et à la survie du groupe auxquels ils appartiennent. Mais une étude parue récemment dans la revue « Science » apporte un regard nouveau sur le rôle crucial de ces vieux animaux pour la biodiversité. Pour les auteurs de l’étude, cette catégorie d’âge est menacée et a besoin de protections particulières.

    Les vieux animaux sont plus menacés que les jeunes, d'après cette étude. Au départ, il s’agit d’une intuition de chercheurs qui étudient différentes espèces animales. Et grâce à la compilation d’innombrables travaux de recherche, ils remarquent que les classes d’âge les plus élevées d’un très grand nombre de populations animales ont décliné ou été éliminées sous l’effet des activités humaines.

    Ces animaux âgés sont souvent les plus gros. C’est vrai, chez les poissons, qui grandissent toute leur vie, leur taille a diminué en raison de la surpêche. Mais c’est également vrai pour les animaux terrestres, les plus gros et donc les plus âgés sont chassés en priorité, pour se nourrir ou pour le prestige. Les amateurs de chasse au trophée privilégient les animaux imposants pour faire une belle photo. Ceux qui chassent pour se nourrir également puisqu’il y a plus à manger sur un animal imposant. Tuer un bison ou un éléphant permet de se nourrir pendant des semaines et demande moins d’effort par calorie que de courser un lapin. C’était déjà le cas du temps des chasseurs-cueilleurs, en témoigne les peintures rupestres dans les grottes qui représentent toujours des animaux imposants, chevaux, mammouth, mais jamais les petits.

    À lire aussiL’impact de l’homme sur les poissons de Méditerranée

    Une remise en cause de la notion de sénescence

    La sénescence est un processus physiologique de dégradation des cellules. Pour schématiser, on pensait que plus un animal vieillit, plus ses cellules se dégradent. Or les chercheurs ont montré que sénescence et vieillissement ne sont pas synonymes. Chez les poissons par exemple, il y a bien vieillissement, mais peu de sénescence. Leur fertilité accroit même avec leur poids et donc avec leur âge puisqu’ils grossissent toute leur vie. En pêchant principalement des gros poissons, on se prive des animaux les plus fertiles et donc de tout un patrimoine génétique important. Et aujourd’hui, les poissons sont affaiblis sur le plan reproducteur.

    Les vieux individus jouent un rôle essentiel pour la survie de leur espèce

    Les chercheurs parlent de sagesse de ces vieux individus. Une des scientifiques qui a participé à cette étude étudie les éléphants dans un parc kényan. Elle a montré que le leadership dans un groupe d’éléphants est toujours assuré par de vieilles matriarches. Elles ont des connaissances et une expérience sociale qui profite à l’ensemble du groupe. Elles connaissent leur territoire, les points d’eau, les dangers. Elles enseignent aux petits à se protéger des prédateurs. Elles parviennent à régler les conflits entre éléphants, bref, elles ont un rôle fondamental. Et puis, grâce à elles, les éléphants parcourent de grandes distances puisqu'elles connaissent leur territoire. Et ce faisant, elles participent à la dissémination des graines des végétaux sur de grandes distances et permettent donc la régénération de cette biodiversité. Pour tous ces services rendus, les chercheurs estiment que la longévité des animaux devrait être une composante de la biodiversité qu’il faut absolument défendre.

    À lire aussiPourquoi faut-il combattre la pêche illégale?

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  • Faut-il fertiliser les forêts ?
    Jan 28 2025
    Fertiliser les forêts pour accélérer leur croissance et ainsi augmenter leur capacité d’absorption du CO2, c’est l’idée envisagée en Suède pour faire face à la diminution de ces capacités observées dans de nombreuses forêts européennes. La politique menée en Suède a entrainé une hausse des émissions de gaz à effet de serre, qui contraint le pays à séquestrer davantage de carbone pour compenser. Mais est-ce une bonne solution ? Selon les statistiques de l’Agence suédoise de protection de l’environnement, les forêts suédoises ont absorbé 31 millions de tonnes de CO2 en 2023 alors que la moyenne était de 52 millions de tonnes annuelles, dix ans auparavant. Et les causes de cette baisse sont connues et identifiées selon Alain Karsenty, spécialiste des forêts au Cirad : « Les forêts sont des puits de carbone tant qu'elles sont en croissance. Et pour que leur croissance soit importante, il faut qu'elles aient de l'eau et un certain nombre de conditions. Ce qui se passe en Suède, comme en France, c'est qu'il y a eu des sécheresses, donc les forêts poussent moins vite et elles absorbent moins. Il y a eu des attaques de pathogènes, des scolytes, qui sont des insectes ravageurs, dans toute l'Europe du Nord, ce qui signifie qu'il y a eu une mortalité accrue des arbres. En raison de cette mortalité, les arbres n'absorbent plus, donc le stock de carbone diminue, il y a moins de couvert forestier et donc moins d'absorption ».À lire aussiLa forêt de demain face au réchauffement climatiqueAutre explication, la Suède pratique une sylviculture intensive. Ces dernières années, la quantité d’arbres abattus dans le pays, a atteint des records, favorisée par la hausse du prix du bois. Mais les coupes rases réalisées diminuent également les capacités d’absorption de la forêt. Malgré les critiques des scientifiques et des ONG environnementales, la majorité au pouvoir n’entend pas changer de modèle d’exploitation de sa forêt. Elle mise donc sur leur fertilisation.Fertiliser les forêts : une solution pérenne ?Sur le court terme, la fertilisation peut effectivement augmenter les dispositions d’absorption de la forêt. Mais sur le long terme, c'est une catastrophe, selon Alain Karsenty : « Fertiliser les arbres, cela veut dire, d'une certaine manière, les rendre paresseux. Cela veut dire qu'ils auront beaucoup moins besoin de développer en profondeur leur système racinaire pour aller chercher les nutriments indispensables à leur croissance. Donc, ils vont se développer par le haut et beaucoup moins au niveau des racines. Du coup, ces arbres seront beaucoup moins équipés pour résister aux sécheresses. Cela signifie que cette idée que l'on peut se passer de réduire les émissions dans le secteur industriel ou des transports, en comptant sur les forêts, est une idée qui n'est pas viable. C'est cela la principale leçon qu'il faut retenir ».Fertiliser les forêts les rend moins résilientes au changement climatique.Les phénomènes climatiques extrêmes, comme les sécheresses, vont être de plus en plus fréquents, et cela risque de fragiliser davantage les forêts. Miser sur le pouvoir d’absorption des arbres sans s’attaquer aux causes du réchauffement climatique dans l’industrie et les transports est donc aberrant et contreproductif. Une forêt victime de sécheresse, de maladies ou de surexploitation, en raison des activités humaines, peut devenir une source d’émission nette de gaz à effet de serre, soit l’exact opposé de ce qui est recherché par la Suède.À lire aussiLes forêts sont en péril, leur capacité à absorber le CO2 aussi
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  • L’Afrique doit-elle abandonner l’exploitation de ses énergies fossiles?
    Jan 27 2025

    Le sommet africain de l’énergie ouvre lundi 27 janvier à Dar es Salaam. Organisé par le gouvernement de la République unie de Tanzanie et l’Union africaine, le sommet a pour objectif d’accélérer l’accès à l’électricité pour 300 millions de personnes en Afrique d’ici 2030 et de permettre au Continent de renforcer son industrialisation. Mais une question se pose : L’Afrique doit-elle abandonner l’exploitation de ses énergies fossiles, au nom de la transition énergétique ?

    C’est une petite musique qui revient comme un refrain entêtant. Certains pays développés mettent de plus en plus la pression sur l'Afrique pour qu'elle laisse de côté ses ressources en énergies fossiles, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Le problème, c'est que dans le même temps, les États-Unis, les pays du Golfe ou encore la Norvège, pour ne citer qu’eux, continuent d’exploiter massivement pétrole et gaz. Il y a donc un côté 'faites ce que je dis, pas ce que je fais', qui n’est ni honnête, ni morale selon Sébastien Treyer, le directeur de l’Iddri, l'Institut du développement durable et des relations internationales : « Moralement, s'il y a bien des pays qui ont le droit de mettre en exploitation des ressources fossiles, ce serait plutôt les pays africains qui ont très peu contribué à l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère. Si on devait se partager le pétrole qu'on a encore le droit de produire, il serait logique que ce soit les pays africains qui aient le droit d'utiliser un peu de leur rente pétrolière et qu'on interdise aux pays qui ont beaucoup profité de la rente pétrolière de l'utiliser ».

    À lire aussiLe Sénégal et la Mauritanie deviennent producteurs de gaz

    Fatih Birol, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie, disait récemment que l’Afrique, pour ses besoins domestiques, doit utiliser ses réserves de gaz. Et, il rappelait que si l’Afrique subsaharienne utilisait toutes ses réserves de gaz − ce qui est impossible −, sa part dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre passerait de 3 % à 3,5 %, ce qui reste marginal.

    L’Afrique, eldorado des énergies renouvelables

    Grâce à son incroyable potentiel, certains estiment que l’Afrique pourrait « sauter » l'ère des combustibles fossiles pour passer directement à celle des énergies renouvelables. C'est cependant oublier certaines difficultés à surmonter. Une étude sur la transition énergétique en Afrique, publiée l’année dernière par le Word ressources Institute pointait les nombreux obstacles, de financement, d’infrastructures et rappelait que dans certains domaines comme les transports ou la cuisine, l’électrification était encore loin d'être la norme.

    Exploiter ses ressources fossiles pour financer sa transition énergétique.

    C’est ce que l'Afrique fait avec ses exportations. Mais attention à ne pas investir massivement dans des secteurs qui risquent de s’écrouler prévient Sébastien Treyer, directeur de l’Iddri: « Exploiter des énergies fossiles pour les vendre pour pouvoir en retour avoir du cash qui permet de financer les infrastructures pour le développement, des hôpitaux, des centrales photovoltaïques dans le pays, ce mécanisme marche, mais est-ce que le marché des énergies fossiles va être porteur et est-ce qu'on n'est pas en train de faire des investissements dans la production de pétrole, alors qu'en fait la demande en pétrole de la Chine va s'écrouler dans quelques années. Il y a donc une question de viabilité des investissements qui sont faits. Est-ce que c'est un bon investissement et est- ce qu'investir dans d'autres formes de production d'énergie ne serait pas plus important ». Il revient donc aux États africains de choisir leur trajectoire, pour l’industrialisation de leur pays.

    À lire aussiProjets gaziers et pétroliers: vers un «Drill, baby, drill» africain?

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